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Le Democrate de l’Aisne, dernier journal imprimé au plomb en France… et bénéficiaire

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1 avril 2015

Temps de lecture : 4 minutes
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Le Democrate de l’Aisne, dernier journal imprimé au plomb en France… et bénéficiaire

Temps de lecture : 4 minutes

À 170 km au nord-est de Paris, Vervins est une petite ville tranquille nichée au fin fond de l’Aisne sur la route de la Belgique. Située sur l’axe Paris-Laon-Bruxelles, elle a sa gare, son église solide, ses imposantes institutions religieuses, sa sous-préfecture… et son journal. Le dernier de France (et même peut-être d’Europe) imprimé au plomb. Chaque semaine, 1100 exemplaires de ce journal fondé en 1906 sont tirés sur des machines d’un autre âge. Une seule journaliste, qui gère aussi l’administratif et fait les paquets pour l’expédition. Un rotativiste-typographe retraité et un linotypiste, le dernier de France… mais qui a 23 ans et qui est là en apprentissage, bien décidé à prendre la relève. Un rédac-chef, Manuel Caré, ancien de l’Aisne Nouvelle. Et un atelier de 1875, qui abrite un journal deux fois sauvé de la faillite en 1988 et 1999 mais aujourd’hui… rentable.

Tel est le quo­ti­di­en du Démoc­rate de l’Aisne qui est le sujet de deux arti­cles très intéres­sants du JDD et de L’Ex­press il y a quelques mois. L’heb­do­madaire a un fax, mais pas de site inter­net, pas d’in­fo­gra­phies, ni de cartes inter­ac­tives. Et ne prévoit pas d’en avoir. Tout passe par le papi­er et le plomb. Du papi­er de gram­mage 48.8 et de laize 80, alors que les autres jour­naux utilisent des laize 80, et du plomb recy­clé. Des résis­tances qui chauf­fent à 280° pour fon­dre le plomb. Et des pièces détachées, désor­mais introu­vables. Ses 4 pages grand-for­mat — cha­cune com­posée en un jour —  sont den­sé­ment rem­plies comme les jour­naux d’an­tan : les textes écrits petits, ser­rés, dans des colonnes ver­ti­cales rangées par can­tons, sans pho­tos. La pre­mière page traite d’in­for­ma­tions nationales et départe­men­tales et la dernière passe les annonces légales. Elles con­ti­en­nent autant d’in­for­ma­tions qu’un tabloïd de 16 pages.

C’est l’un des derniers jour­naux du monde imprimés au plomb. En Russie, les derniers jour­naux et imprimeries nichés au fin fond des provinces et de la Sibérie qui s’ac­crochaient au plomb (hot-met­al type­set­ting) l’ont lâché au tour­nant des années 2000. En Nou­velle-Galles du Sud il existe le Don Dor­ri­go Gazette qui est le dernier jour­nal d’Aus­tralie à être tou­jours imprimé au plomb, et ce depuis 1910, avec un tirage de 1150 exem­plaires dont 150 expédiés par poste à des abon­nés situés dans tout l’Etat.

Le Democ­rate de l’Aisne a été fondé en 1906 à l’ini­tia­tive d’un jeune sous-préfet d’o­rig­ine corse, Pas­cal Cec­ca­l­di, qui souhaitait devenir député de la cir­con­scrip­tion de Vervins. Il défi­ait alors le Dr Des­tin Dupuy, bien plus âgé que lui et puis­sam­ment relayé par le Grand Ori­ent de France et le Libéral de l’Aisne. Il fonde alors son pro­pre jour­nal, un quo­ti­di­en parais­sant six jours par semaine. Et gagne ! Alors qu’il est élu député, il n’a pas trente ans. Réélu en 1910 et 1914, il part à la guerre comme ser­gent alors que la paru­tion du jour­nal est inter­rompue (et ce jusqu’en sep­tem­bre 1919), est nom­mé sous-lieu­tenant à Ver­dun puis est blessé. En 1917, prési­dent du con­seil général de l’Aisne et député, il s’ac­tive sans relâche pour organ­is­er le rav­i­taille­ment du sud de l’Aisne tou­jours français et du nord du départe­ment envahi. Il meurt de la grippe espag­nole le 6 novem­bre 1918, quelques jours avant l’armistice. Son jour­nal lui survit, et la famille Cec­ca­l­di reste à sa tête jusqu’en 1987 ; le jour­nal ne paraît pas non plus de la défaite de 1940 à sep­tem­bre 1944.
Géré depuis 1987 par une asso­ci­a­tion présidée par Jacques Piraux — rédac-chef pen­dant 25 ans jusqu’en juil­let 2013, il a un mod­èle économique bien établi qui dure depuis des décen­nies : 950 abon­nés du cru et des gens de Vervins expa­triés, quelques dizaines d’a­cheteurs au numéro qui le payent 60 cen­times d’eu­ro — bien moins cher que la plu­part des heb­do­madaires français pour­tant imprimés sans plomb -, les annonces légales et les vis­ites de l’im­primerie. Le directeur de pub­li­ca­tion con­fie au JDD : “Nous avons clos le dernier exer­ci­ce à plus de 180 000 euros con­tre 153 000 euros le précé­dent. Notre résul­tat était béné­fi­ci­aire de 23 000 euros l’an passé” soit 17.6% d’aug­men­ta­tion. Un résul­tat que bien des médias pour­raient lui envi­er. L’heb­do­madaire — qui passe des textes en picard — est surtout un mon­u­ment local, auquel ses abon­nés sont attachés depuis des générations.

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