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Montauban : expulsé du conseil municipal un journaliste est jugé pour outrages

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21 octobre 2015

Temps de lecture : 4 minutes
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Montauban : expulsé du conseil municipal un journaliste est jugé pour outrages

Temps de lecture : 4 minutes

Il ne fait pas bon fâcher la mairesse de Montauban, Mme Barèges. Le patron de Networkvisio, Michel Lecomte, l’a appris à ses dépens. Non seulement il s’est fait expulser par la police municipale du conseil municipal de Montauban, mais en plus il est mis en cause pour outrage par deux des policiers qui l’ont violenté. Lors de cette expulsion, d’autres journalistes, notamment de La Dépêche du Midi, ont eux aussi été malmenés.

Net­workvi­sio est une télévi­sion locale basée depuis plus de qua­tre ans à Mon­tauban – la cap­i­tale du Tarn-et-Garonne, un départe­ment plutôt pau­vre situé à quelques 50 km de l’une des villes les plus dynamiques de France, Toulouse, et qui était con­nu pour avoir été le fief de la famille Baylet, qui a la main­mise sur le groupe de la Dépêche du Midi et le Par­ti rad­i­cal de gauche. Bre­ton expa­trié dans le Midi, Michel Lecomte filme le con­seil munic­i­pal de Mon­tauban depuis 2010. Son média, qui ray­onne dans toute la région Midi-Pyrénées et cou­vre une par­tie de l’ac­tu­al­ité de plusieurs autres régions de France, n’a pas tou­jours été ten­dre pour la mairesse Brigitte Barèges puisqu’il a dif­fusé des images très embar­ras­santes pour celle qui n’a pas hésité à présen­ter un de ses col­istiers, noir, comme « la seule tâche de notre liste ».

Dans ce départe­ment où nom­bre de médias dépen­dent de groupes poli­tiques – le Petit Jour­nal est par exem­ple l’or­gane offi­cieux de la droite locale – Net­workvi­sio est resté indépen­dant. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des rela­tions très ten­dues avec Mme Barèges, qui est aus­si en froid avec La Dépêche du Midi, mais cette fois pour des raisons poli­tiques. Le syn­drome de la citadelle assiégée n’arrange rien. Jusqu’à récem­ment, Mon­tauban était l’un des seuls bas­tions de droite dans un départe­ment dont l’homme fort, Jean-Michel Baylet, est à la fois grand patron de presse et chef d’un par­ti de gauche qui a envoyé trois min­istres au gou­verne­ment. Du reste Mon­tauban n’est guère plus riche que le reste du départe­ment, par­ti­c­ulière­ment touché par une pau­vreté qui ne cesse de se creuser : hors du cen­tre his­torique per­ché, la ville est sin­istrée, et le quarti­er de la gare com­plète­ment en ruines. Pas un café n’est ouvert, et même Pôle Emploi est en friche !

Près d’un an après sa vio­lente expul­sion, les deux policiers munic­i­paux qui ont mal­mené Michel Lecomte devaient répon­dre ce 2 octo­bre 2015 de vio­lences com­mis­es en réu­nion par une per­son­ne déposi­taire de l’or­dre publique. Mais le jour­nal­iste qu’ils ont viré manu mil­i­tari est lui aus­si mis en cause par les prévenus pour out­rage. L’ex­pul­sion – motivée par le fait que le jour­nal­iste fil­mait le con­seil comme à son habi­tude – est elle-même illé­gale. La Cour admin­is­tra­tive de Bor­deaux en 2011 a con­fir­mé qu’il était inter­dit d’in­ter­dire (ou de soumet­tre à autori­sa­tion préal­able) que le con­seil munic­i­pal soit filmé par les con­seillers ou l’as­sis­tance, et ce étant don­né le car­ac­tère pub­lic des séances. Une seule excep­tion est tolérée – et très encadrée – à savoir le risque de trou­ble à l’or­dre public.

Du reste, les « out­rages » que les policiers munic­i­paux attribuent à Michel Lecomte appa­rais­sent très polis par rap­port aux vrais out­rages que leurs col­lègues enten­dent régulière­ment dans tous les quartiers chauds de France et de Navarre, surtout si on les replace dans le con­texte d’une sit­u­a­tion ten­due et d’une dis­cus­sion ani­mée. Ceux-ci sont con­sti­tués par les pro­pos tenus par le jour­nal­iste, « en l’e­spèce en dis­ant de faire ”gaffe” à leur car­rière, qu’ils fai­saient le jeu de l’op­po­si­tion en faisant ça, et en répé­tant à l’in­ten­tion de [l’un d’en­tre eux] “Toi le petit, de toute façon ta car­rière est ter­minée”. ”Tu sais pas ce qui va t’ar­riv­er toi, tu fais une grave erreur” et, à l’in­ten­tion des deux policiers munic­i­paux ”restez à votre place, ça vous fera du bien”. ”Vous faites un boulot à la con”. »

La scène a été en par­tie filmée par Michel Lecomte lui-même et par d’autres médias, comme la radio locale Totem. Même le Petit Jour­nal y avait con­sacré un reportage. L’ex­pul­sion a été très mou­ve­men­tée et le moins qu’on puisse dire, c’est que les policiers munic­i­paux n’ont pas ménagé le jour­nal­iste local. À ce jour, Michel Lecomte filme tou­jours le con­seil munic­i­pal de Mon­tauban sans être embêté. En revanche la jus­tice n’a pas fini de s’in­téress­er à la mairesse et anci­enne avo­cate Mme Barèges. Pro­fondé­ment embar­rassé par le dossier, le tri­bunal cor­rec­tion­nel de Mon­tauban a ren­voyé l’af­faire au 29 jan­vi­er 2016. Après les régionales.