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Un été de propagande dans les médias. Première partie

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25 août 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Un été de propagande dans les médias. Première partie

Temps de lecture : 6 minutes

France Inter et L’été comme jamais

Cet été, l’une des émission phare de France Inter fut L’Été comme jamais. Diffusée du lundi au vendredi de 9h à 9h50, elle était présentée par Dorothée Barba. À la suite de l’émission du mardi 18 août, la journaliste a lancé un thread d’excuses sur Twitter, thread révélateur de l’état d’esprit terrorisé qui règne dans le monde médiatique français. Démonstration.

L’émission L’Été comme jamais se présente ain­si : « Prenons le temps de par­ler d’amour, d’enfance, d’amitié, de famille, de tra­vail, de nos doutes et de nos envies. « L’été comme jamais », c’est un mag­a­zine de société au par­fum esti­val, deux heures souri­antes et conviviales. »

Du léger, en somme, et en apparence. Une présen­ta­tion bobo. C’est le moment qui veut cela : l’été, les prin­ci­paux médias croient néces­saire de lancer des pro­grammes « légers », per­suadés que les Français ne pensent plus dès que le soleil fait son apparition.

Quelques exem­ples de thèmes traités entre juil­let et août 2020 :

  • Sexe, une nou­velle révolution
  • Ani­maux sauvages, qu’ont-ils à nous apprendre ?
  • Aux grandes femmes, la patrie reconnaissante
  • L’utopie est-elle encore possible ?
  • Enquêtes crim­inelles : com­ment tra­vail­lent les vrai.e.s expert.e.s ?
  • T’as pécho ? Des nou­velles de la séduction
  • Vive la vélorution
  • Le potager des paresseux

Des thèmes poli­tique­ment cor­rects, ten­dance bobo-verts, avec un zeste de fémin­isme et de ton de mag­a­zine féminin post-adolescente.

L’émission qui provoque le thread

Mar­di 18 août, L’Été comme jamais est con­sacré à « Un pied ici, l’autre ailleurs ». Thème incon­tourn­able pour toute émis­sion poli­tique­ment cor­rect et fort juste­ment, dans ce con­texte, présen­té ainsi :

« Qu’est-ce qu’une dou­ble cul­ture? Com­ment se trans­met d’une généra­tion à l’autre une his­toire de déracin­e­ment? Nous par­lons de ce que veut dire vivre avec deux cul­tures dans un même pays. »

Le pitch précis :

« Quand pose-t-on les ques­tions impor­tantes? A quelle heure de la journée? Entre deux tartines, au petit déje­uner, ou en faisant la vais­selle?  Il n’y a jamais de bon moment pour s’at­ta­quer au silence. Pas de bon créneau pour oser deman­der : c’était com­ment, la vie là-bas ? et qu’est-ce qui te manque de ton pays ? Car l’exil, par­fois, con­duit au silence.

Et par­fois on ne racon­te pas, à ses enfants, à ses petits-enfants, ce qui pour­tant con­stru­it une par­tie de leur iden­tité. D’autres fois encore, les his­toires sont dites, oui. Et une langue est par­lée à la mai­son. ..Voilà notre sujet, jusqu’à 10h. Avec toutes les ques­tions — les problèmes peut-être — que porte en elle cette expres­sion, d’ailleurs : dou­ble cul­ture. Avoir en soi deux pays, deux his­toires. Se sen­tir étranger, ou pas ? Être fier ou pas. Et que dire du regard des autres ? »

Les invités :

« — Olivia Ruiz écrivaine et chanteuse, auteure de La Com­mode aux tiroirs de couleurs aux édi­tions Lattès, 2020.
- Grace Ly pod­cas­teuse et écrivaine, auteure de Jeune fille modèle chez Fayard, 2018.
- Val­li chanteuse et ani­ma­trice radio, auteure de British Inva­sion, Pop Save the Queen, GM Edi­tions, 2019. »

Trois femmes, dans une émis­sion présen­tée par une femme, avec util­i­sa­tion de l’écriture inclu­sive et de la fémin­i­sa­tion du « mas­culin dominant ».

L’émission se déroule sans ani­croche, insipi­de par son absence com­plète de débat, cha­cun (cha­cune, du coup, vu que les hommes sont exclus) étant d’accord sur le fond : le métis­sage et le mul­ti­cul­tur­al­isme c’est bien, le con­traire ou s’y oppos­er c’est mal.

Pro­pa­gande habituelle de France Inter, dont L’Été comme jamais donne un exem­ple esti­val par­mi d’autres.

Mais voici que….

Dorothée Barba a un trou de mémoire ou un instant… d’inculture, qui sait ?

D’après 20 Min­utes, « France Inter : Dorothée Bar­ba fait son mea cul­pa après avoir dit « une con­ner­ie » à lantenne. Ce mar­di, après la dif­fu­sion de « LÉté comme jamais », lani­ma­trice Dorothée Bar­ba a déploré sur Twit­ter avoir évo­qué lautrice Chi­ma­man­da Ngozi Adichie en ne citant que son prénom ».

Chi­ma­man­da Ngozi Adichie est une femme écrivain de nation­al­ité nigéri­ane, noire, pub­liée chez Gal­li­mard. Ses romans sont actuelle­ment dans la col­lec­tion du « Monde entier », après avoir d’abord été édité dans la col­lec­tion « Con­ti­nents noirs », une col­lec­tion dont on se demande com­ment elle n’a pas alors été accusée de pra­ti­quer l’apartheid, n’éditant que des écrivains noirs. Chi­ma­man­da Ngozi Adichie est noire, fémin­iste, par­le des souf­frances de l’Afrique et a écrit sur le Biafra. Elle est une icône du tout Paris bobo-repen­tant sur tous les sujets.

À son pro­pos, aucune « erreur » ou aucun sem­blant d’erreur n’est per­mis par le poli­tique­ment cor­rect, d’où la réac­tion à la fois symp­to­ma­tique et ubuesque de Dorothée Bar­ba à sa « connerie ».

De quoi s’agit-il ?

Durant l’émission, Chi­ma­man­da Ngozi Adichie et son roman Amer­i­canah sont évo­qués. Le roman traite évidem­ment des souf­frances des exilés, de la dif­fi­culté des migra­tions etc. Tous sujets sur lesquels une jour­nal­iste parisi­enne de France Inter a forte­ment intérêt à ne pas com­met­tre de bourde.

Et voilà que… Dorothée Bar­ba, en direct, indique qu’elle a lu Amer­i­canah, ce qu’elle expose dans son thread sur Twit­ter : « Jai lu récem­ment et beau­coup appré­cié Amer­i­canah, lun de ses livres. Jai voulu au pas­sage le con­seiller aux audi­teurs et auditri­ces. Mais je navais pas le nom de lautrice sous les yeux. Aus­si ai-je dit : « On lappelle Chi­ma­man­da, cest plus sim­ple ».

Dif­fi­cile de voir quoi que ce soit de bien grave dans cette affaire, d’autant qu’en Afrique la ques­tion du nom et du prénom n’est pas la même qu’en Europe, et pour­tant… patatras !

Et mea cul­pa néces­saire (pour sur­vivre en milieu médi­a­tique libéral-libertaire ?).

Le thread ubuesque de bien pensance lancé sur Twitter par la journaliste

Con­clu­sion ? La ter­reur, à la mode sovié­tique, sem­ble régn­er à France Inter, et plus générale­ment dans les médias de grand chemin. Non seule­ment, le fait de citer l’écrivain par son prénom n’est ni « raciste » ni « sex­iste » (pourquoi donc, dans les deux cas ?) mais de plus n’importe qui peut avoir un sim­ple trou de mémoire. Ou plutôt, devrait pou­voir. Ce n’est pas le cas : Dorothée Arba ayant sen­ti le revolver du poli­tique­ment cor­rect sur sa tempe a vite réa­gi et fait son aut­o­cri­tique, sans doute de peur d’être mise au ban du médi­a­tique­ment cor­rect. Notons que 20Minutes a félic­ité Dorothée Bar­ba pour avoir eu le « courage » de faire son « mea cul­pa », chose « assez rare pour être sig­nalé ». Dans les cerveaux de la gauche libérale lib­er­taire, Staline pas mort ?