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Services d’ordre et compte rendus d’incidents, des récits bien différents

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2 août 2022

Temps de lecture : 3 minutes
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Services d’ordre et compte rendus d’incidents, des récits bien différents

Temps de lecture : 3 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 24 avril 2022

Un candidat à l’élection présidentielle se doit d’avoir un bon service d’ordre. Un déplacement perturbé c’est un déplacement raté. Ce mois d’avril 2022 a montré, pour les candidats Macron et Le Pen, l’importance de rôder la mécanique en la matière. Il a également révélé de la part des médias dominants un deux poids deux mesures devenu habituel.

Deux évacuations identiques

C’est d’abord Marine Le Pen qui a été la cible d’une mil­i­tante écol­o­giste le 13 avril. En pleine con­férence de presse sur les rela­tions inter­na­tionales, la can­di­date a été inter­rompue par une jeune femme bran­dis­sant une pan­car­te en forme de cœur avec, à l’in­térieur, une pho­to de Marine Le Pen et Vladimir Pou­tine. L’ob­jec­tif ? Mon­tr­er les liens entre la Russie et le RN. La mil­i­tante a été évac­uée par le ser­vice d’or­dre de la can­di­date en étant traînée sur le sol. Le lende­main, c’est Emmanuel Macron, en déplace­ment à Stras­bourg, qui a vu son périple per­tur­bé par des gilets jaunes et des blacks blocks, dont un a été évac­ué en étant lui aus­si traîné sur le sol. Deux évac­u­a­tions iden­tiques, qui pour­tant don­nent deux réc­its dif­férents dans les colonnes du Parisien.

Deux récits différents, manifestante et militant

Du côté de Marine Le Pen, le ser­vice d’or­dre a « expul­sé vio­lem­ment » une « man­i­fes­tante »[1]. L’ex­pul­sion s’est faite « manu mil­i­tari » lais­sant « peu de place à la con­tra­dic­tion ». L’ar­ti­cle nous apprend que la jeune femme fait par­tie du col­lec­tif Ibiza qui se revendique « aparti­san » (sic). Néan­moins, Le Parisien omet de pré­cis­er qu’elle est égale­ment con­seil­lère munic­i­pale de Boulogne-Bil­lan­court et mil­i­tante écol­o­giste. Prenons main­tenant le même jour­nal, sur un inci­dent com­pa­ra­ble, et regar­dons cela comme une leçon de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique. Il est claire­ment évo­qué un « mil­i­tant » qui aurait subi une « évac­u­a­tion mus­clée »[2]. L’é­vac­u­a­tion se jus­ti­fie, selon l’en­tourage du can­di­dat Macron, car « la per­son­ne n’é­tait pas dans une volon­té d’apaisement ».

Notons le choix des mots. D’un côté une « man­i­fes­tante », qui donc use d’un droit légal et est vic­time d’une « expul­sion vio­lente ». De l’autre un « mil­i­tant », quelqu’un de poli­tisé, qui vient sci­em­ment s’ex­pos­er à des pour­suites, cible d’une « évac­u­a­tion mus­clée ». Le choix des mots sug­gère une min­imi­sa­tion de l’é­vac­u­a­tion côté Macron, alors que dans les deux cas il s’ag­it d’une manœu­vre banale, que n’im­porte quel ser­vice d’or­dre aurait menée à bien avec plus ou moins de pres­sion physique.

Relais télévisuel

Néan­moins, inter­rompre Marine Le Pen c’est « lut­ter con­tre le fas­cisme » (sic) et s’of­frir à bon compte la sym­pa­thie des médias en place. Notre héroïne de l’an­tifas­cisme a donc pu se pay­er un pas­sage dans Touche pas à mon poste quelques jours après son action. Sans sur­prise, elle se place dans la posi­tion de la vic­time, alors que son traite­ment aurait été iden­tique partout ailleurs. Puis, entre deux appels à aller vot­er écol­o­giste aux lég­isla­tives, elle nous dit que « Marine Le Pen veut sup­primer l’IVG ». Une infor­ma­tion qu’un sim­ple tour sur le site de la cam­pagne de la can­di­date per­met d’éven­ter, mais qui dans ce cas ne trou­ve que le silence des chroniqueurs. Le hasard étant par­fois ironique, c’est Gilles Verdez, vis­i­ble­ment pris d’un moment de lucid­ité, qui évoque l’é­vac­u­a­tion mus­clée de Stras­bourg, per­me­t­tant de met­tre un instant le doigt sur un deux poids deux mesures qui ne sur­prend personne.

Le coup de pied de l’âne

Jamais avare en réac­tions, Christophe Cas­tan­er a réa­gi à l’ex­pul­sion de la mil­i­tante écol­o­giste en déclarant : « La vérité qui dérange, on la sort de la salle ». Une phrase qu’on pour­rait presque appli­quer au traite­ment médi­a­tique des affaires McK­in­sey et Roth­schild.

Sources

[1]Le Parisien, 13 avril 2022
[2]Le Parisien, 14 avril 2021