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Scandale chez Amnesty International en Hongrie. Première partie

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17 janvier 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Scandale chez Amnesty International en Hongrie. Première partie

Temps de lecture : 5 minutes

Quand Hypocrisy International se prend les pieds dans le tapis

Amnesty International (AI), c’est ce mastodonte au budget annuel de plus 300 millions d’euros distribuant les bons et les mauvais points sur la scène internationale en matière de droits de l’homme et gardant les totems de la bien-pensance. En Hongrie, cette ONG est très active aux cotés de l’ambassade des États-Unis à Budapest contre le gouvernement de Viktor Orbán. En toute indépendance et au nom de la Démocratie, bien sûr ! Aujourd’hui, la branche hongroise de cette organisation est accusée par d’anciennes employées de discrimination et de harcèlement.

Une ONG parfaite

AI se veut évidem­ment un parangon de ver­tu sur le ter­rain du respect et de l’émancipation des femmes. L’ONG d’obédience anglo-améri­caine est de tous les com­bats fémin­istes, tou­jours aux avants-postes pour pren­dre la défense des opprimées aux qua­tre coins de la terre.

L’actuelle secré­taire générale d’AI, la Française Agnès Calla­mard, a d’ailleurs eu en charge le tra­vail de l’ONG sur les droits humains des femmes par le passé. Madame Calla­mard dirige aus­si le pro­jet Glob­al Free­dom of Expres­sion à l’université Colum­bia depuis 2013. Voilà qui plante bien le décor per­me­t­tant de se faire une idée de quel bois se chauffe une des ONG les plus réputées au monde. En tout cas si l’on en juge le nom­bre de récom­pens­es qu’elle a reçues : prix Nobel de la paix, prix Érasme, prix des droits de l’homme de l’ONU, prix Olof-Palme (en 1991, un an après Harlem Désir et SOS Racisme, deux décen­nies avant Black Lives Mat­ter), prix des qua­tre lib­ertés de Roo­sevelt (lib­erté d’expression), etc.

Des Hongroises se rebiffent

Elles ont cinq à avoir racon­té leurs déboires à l’organisation Open­Democ­ra­cy, qui est, ironie du sort, elle aus­si un pseudopode des réseaux Soros. Peut-être s’agit-il d’ailleurs d’un règle­ment de compte entre chapelles sorosi­ennes, mais ne boudons pas notre plaisir pour autant. En pleine rédac­tion d’un rap­port sur les dis­crim­i­na­tions con­tre les femmes au tra­vail en Hon­grie (pub­lié le 3 juin 2020), les bureaux d’AI Budapest auraient été le théâtre de scènes peu reluisantes.

Ces Hon­grois­es se plaig­nent en effet d’avoir subi toute une série de brimades en rai­son de leur con­di­tion de jeunes femmes. La direc­tion d’AI Budapest aurait dis­crim­iné et harcelé ces femmes parce qu’elles se seraient per­mis de fomenter l’horrible crime con­sis­tant à vouloir accouch­er d’un enfant, ou pire encore, une fois ce dernier né, de vouloir allaiter ! C’est ce qu’une de ces femmes racon­tent : un des dirigeants d’AI lui aurait demandé d’arrêter l’allaitement pour être en mesure de se remet­tre con­ven­able­ment au travail.

Et ce n’est pas tout : alors que l’organisation plaide pour la fin des dis­crim­i­na­tions au tra­vail sur des critères liés à la mater­nité, AI aurait tout fait pour forcer ces femmes à sign­er des con­trats de courte durée (une pra­tique con­tre laque­lle la gauche hon­groise et AI sont vent debout depuis des années). Cerise sur le gâteau : la direc­tion d’AI aurait aus­si demandé de manière très insis­tante à une des employées licen­ciées de sign­er une déc­la­ra­tion de con­fi­den­tial­ité indi­quant que son départ n’avait rien à voir avec une quel­conque dis­crim­i­na­tion. En cas de rup­ture de cette con­fi­den­tial­ité, cette déc­la­ra­tion aurait aus­si prévu une indem­nité de 2500 euros à vers­er par l’ex-employée et à son ex-employeur. Elle est belle, la morale gauchiste !

Wokisme et maternité : termes incompatibles ?

L’une des ex-employées s’estimant harcelées et dis­crim­inées avait en charge le pro­gramme et la coor­di­na­tion des ques­tions liées au genre au sein d’AI Budapest, autant dire un rôle de pre­mier dans le tra­vail de sape con­tre le gou­verne­ment Orbán. Aujourd’hui, elle s’insurge et laisse enten­dre que finale­ment AI ne se dis­tingue pas des autres entre­pris­es dans leur ges­tion du per­son­nel féminin en âge de procréer.

Cette affaire a le mérite de met­tre en lumière une con­tra­dic­tion interne à la marche du fémin­isme moral­isa­teur : avoir la défense des femmes sans arrêt à la bouche, sauf quand il s’agit de mater­nité. Quand la nature reprend ses droits, les dirigeants du wok­isme per­dent le nord et devi­en­nent agressifs.

Mal­gré la pro­gres­sion de lames de fonds wok­istes, la société hon­groise — man­i­feste­ment même au sein d’AI Budapest — n’en est pas encore arriv­er au point où la mater­nité est dén­i­grée par les femmes à grande échelle. Il faut donc saluer ces mini-ama­zones hon­grois­es au passé lour­de­ment wok­iste. D’ailleurs, l’affaire a pris de telles pro­por­tions que les médias hon­grois orbano-cri­tiques n’ont eu d’autres choix que de la relay­er (y com­pris le média 444, qui a pour­tant un blog en parte­nar­i­at avec AI), alors que les médias pro-Orbán la présen­tent évidem­ment comme un bel exem­ple de l’hypocrisie de la gauche bien-pensante.

D’autres affaires bien plus sordides

Cette affaire hon­groise n’est presque rien en com­para­i­son d’autres plus anci­ennes ayant plongé AI dans des scan­dales à l’écho inter­na­tion­al. En 2018, un chercheur d’AI chargé de l’Afrique de l’Ouest, Gaë­tan Moto, se donne la mort, et l’enquête interne révèle des his­toires de har­cèle­ment, de sex­isme, d’intimidation et de racisme au sein de l’organisation. Deux mois après le sui­cide de Gaë­tan Mootoo, c’est la sta­giaire Ros­alind McGre­gor qui se sui­cide à son tour. Bien décidé à sauver son hon­neur, AI fait démis­sion­ner cinq mem­bres de la direc­tion en févri­er 2019, mais n’oublie pas au pas­sage de leur accorder une indem­nité con­séquente, un geste vu comme de l’huile jetée sur le feu. En matière d’indemnités, AI s’y con­naît : en 2011, la secré­taire générale Irene Zubai­da Khan avait reçu pour prime de départ la mod­ique somme de 533 000 livres ster­ling, 630 000 euros de l’époque.

Et pour finir : en avril 2021, le Guardian rap­porte qu’AI a une cul­ture du priv­ilège blanc com­prenant dans ses rangs des cadres s’adonnant copieuse­ment à des pro­pos racistes et dis­crim­i­na­toires envers des employés de l’ONG appar­tenant à des minorités eth­niques. Décidé­ment, ces don­neurs de leçon ne sont pas tout pro­pre ont man­i­feste­ment des soucis avec les principes dont ils nous rebat­tent inlass­able­ment les oreilles.