Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Pour les dix ans de Mediapart, Emmanuel Macron choisit Edwy Plenel comme interviewer, une consécration

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

17 avril 2018

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Pour les dix ans de Mediapart, Emmanuel Macron choisit Edwy Plenel comme interviewer, une consécration

Pour les dix ans de Mediapart, Emmanuel Macron choisit Edwy Plenel comme interviewer, une consécration

Temps de lecture : 6 minutes

Il n’y a pas lieu ici de formuler un jugement sur la conduite d’interview des deux journalistes, Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel interrogeant le Président de la République le 15 avril 2018 au soir, nous aurons l’occasion d’y revenir. Quelle que soit la performance d’Edwy Plenel, le simple fait d’avoir été choisi par Emmanuel Macron représente une forme de consécration, l’émission étant retransmise à la fois sur BFMTV (groupe Drahi) et sur Mediapart. Une consécration qui couronne le réel succès du média et de son fondateur. Faute de place et en raison d’une actualité chargée, nous n’avions pu détailler la conférence de presse de Mediapart du 6 mars dernier, célébrant les dix ans du média. Nous le faisons ici.

Un peu d’histoire

Face­book naît en 2004, Twit­ter en 2006, Medi­a­part est lancé en 2008. Sur une idée à con­tre-courant : faire pay­er de l’information sur inter­net alors que les augures ne jurent que par un seul mantra, sur la toile la gra­tu­ité est de mise. Après avoir par­ticipé active­ment à la cam­pagne de Ségolène Roy­al en 2007 alors que Medi­a­part était en pré­pa­ra­tion (Ségolène Roy­al ren­ver­ra l’ascenseur) le site est mis en ligne le 16 mars 2008.

L’idée est révo­lu­tion­naire : pas de pub­lic­ité qui influ­ence, pas de sub­ven­tions publiques qui empris­on­nent, pas de sub­ven­tions style Google qui accrois­sent la dépen­dance aux GAFAM. Les abon­nés (de 5 à 9 euros par mois, des réduc­tions pour ceux qui pren­nent un abon­nement annuel) paieront pour une infor­ma­tion qu’ils ne trou­veront pas ailleurs. Même si le média a recueil­li quelques aides la pre­mière année, ce n’est pas là la source de son finance­ment. Elle se trou­ve dans les poches pro­fondes de quelques amis plutôt à l’aise dans la société cap­i­tal­iste. Thier­ry Wil­hem Prési­dent de Doxa, Jean-Louis Bouchart d’Ecofinance, Gérard Cicurel d’Ella Fac­to­ry se retrou­veront avec Xavier Niel (Free), Mau­rice Levy (Pub­li­cis) et bien d’autres qui apporteront 60% des cap­i­taux. Le site sera réal­isé par la Netscouade qui avait déjà œuvré pour Désirs d’avenir. Le site sera équili­bré au bout de trente mois ce qui con­stitue une per­for­mance. Et l’entreprise sera béné­fi­ci­aire en 2011.

Dix ans plus tard

140.000 abon­nés (avec une pointe à 150.000 lors de la cam­pagne prési­den­tielle du print­emps 2017), 83 col­lab­o­ra­teurs, près de 14 M€ de chiffre d’affaires, plus de 2 M€ de résul­tat net, le mod­èle s’est révélé robuste.

L’Observatoire du jour­nal­isme n’a pas ménagé Edwy Plenel dont nos lecteurs trou­veront un por­trait vidéo et un por­trait “papi­er”. Le per­son­nage s’est sou­vent trompé et il appa­raît autant comme un prophète d’un antiracisme obses­sion­nel que comme un jour­nal­iste. Redresseur de torts, son évo­lu­tion idéologique sem­ble le faire revenir à ses jeunes amours trot­skistes, un réseau d’influence qu’il a tou­jours entretenu. Mais son intu­ition était la bonne : des fonds pro­pres suff­isants, une équipe pro­fes­sion­nelle resser­rée au départ mais suff­isante (24 jour­nal­istes en 2008, 45 en 2017 et une ving­taine de pigistes), du culot et de la volon­té, peu­vent entraîn­er la réus­site… plus quelques scoops retentissants.

De l’affaire Karachi (2009) à la for­tune Bet­ten­court (2010), le compte en banque de Cahuzac et la même année (2012) le finance­ment pos­si­ble de la cam­pagne Sarkozy par Khadafi, jusqu’à la mini affaire Baupin (2016) et les Foot­ball Leaks (2016), les scoops ou enquêtes exclu­sives ont attiré le cha­land. D’où vien­nent les infor­ma­tions ? Du tra­vail des jour­nal­istes bien sûr mais aus­si et surtout d’un très bon réseau polici­er et judi­ci­aire. Il y a belle lurette que le secret de l’instruction est une aimable plaisan­terie et les juges rouges font pass­er sans ver­gogne dossiers et procès ver­baux. À par­tir de cette matière pre­mière gra­tu­ite, avec du temps et de l’astuce on peut sor­tir des dossiers appétis­sants et structurés.

Les partenariats

Un des suc­cès du site réside aus­si dans le très grand nom­bre de ses parte­nar­i­ats, plus de cinquante, dont le CLEMI qui œuvre dans la défor­ma­tion de con­science à l’éducation nationale, la Ligue de l’enseignement, Amnesty, ATTAC, Emmaüs, La Décou­verte, RSF et toute la clique immi­gra­tioniste, Cimade, ATD Quart Monde, Mediac­ités, Migreu­rop, SOS Méditer­ranée etc.

Les diversifications

La vidéo est dev­enue part inté­grante du média. Medi­a­partlive était devenu heb­do­madaire lors de la longue cam­pagne élec­torale de fin 2016 à juin 2017. Depuis début mars 2018, le site pro­pose chaque mer­cre­di soir un ren­dez vous heb­do­madaire L’Hebdo, suivi d’un débat, mais de nom­breuses émis­sions sont disponibles en clair ou en cryp­té. Un stu­dio inté­gré réalise les émissions.

Les chercheurs ne sont pas oubliés et nos lecteurs ne seront pas éton­nés d’y retrou­ver Non­na May­er de Sci­ences-Po et Valérie Igounet du CNRS aux­quelles nous avons con­sacré un arti­cle en mai 2016.

La Revue du Crieur en asso­ci­a­tion avec La Décou­verte en est à sa huitième paru­tion et compterait un mil­li­er d’abonnés. Un pro­jet de télévi­sion est à l’étude, payante, à la fois sur la toile et via les opéra­teurs télé­phoniques. Des par­tic­i­pa­tions de sou­tien ont été pris­es pour aider d’autres médias, Mars­ac­tu, Médiac­ités ou Infoli­bre (espag­nol).

La transmission

François Bon­net un des cofon­da­teurs s’est retiré de ses respon­s­abil­ités de directeur édi­to­r­i­al tout en restant jour­nal­iste. Deux jour­nal­istes Stéphane Alliés et Carine Fouteau, présents depuis le début, devi­en­nent co-directeurs. La direc­tion souhaite trans­met­tre le con­trôle économique de l’entreprise à l’équipe via une struc­ture à but non lucratif à définir.

Un riche mécène, Olivi­er Legrain (ancien directeur de Materis, main­tenant Prési­dent de Mersen, matériel élec­trique) va inve­stir dans une Mai­son des Médias Libres. L’immeuble est déjà choisi avec le con­cours de la mairie de Paris, au 67 boule­vard de Charonne, dans le XIème arrondisse­ment. Olivi­er Legrain est déjà action­naire du tout en ligne gauchiste Bas­ta­m­ag et des Jours fondés par des anciens de Libéra­tion. Selon La Let­tre A du 18 juil­let 2017, il met­trait plusieurs mil­lions d’euros sur la table pour accueil­lir un cer­tain nom­bre de rédac­tions « con­formes » soit entre 300 et 500 per­son­nes. @rrêtsurimages de Daniel Schnei­der­mann aurait décliné l’invitation. Par con­tre Alter­na­tives économiques, Reporterre d’Hervé Kempf (ancien du Monde), Les Jours, Bas­ta­m­ag, Poli­tis, Medi­a­part suiv­raient le mou­ve­ment. Medi­a­part est chef de file et fait par­tie des qua­tre can­di­dats à l’appel d’offres Legrain/Mairie. Le pro­jet pour­rait voir le jour à un hori­zon 2020/21.