Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Mort des médias de grand chemin ? Une tribune de Modeste Schwartz

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

18 juin 2021

Temps de lecture : 8 minutes
Accueil | Veille médias | Mort des médias de grand chemin ? Une tribune de Modeste Schwartz

Mort des médias de grand chemin ? Une tribune de Modeste Schwartz

Temps de lecture : 8 minutes

Nous repro­duisons un arti­cle de Mod­este Schwartz paru dans la revue en ligne de Slo­bo­dan Despot Antipresse du 13 juin 2021. Pour avoir accès à l’ensemble du numéro (et aux suiv­ants), l’abonnement est très vive­ment recommandé.

LES MÉDIAS PROSTITUÉS À OUTRANCE, OU LA MANDRAGORE DES PENDUS

Sans s’en apercevoir, l’empire des médias de grand chemin est mort et déjà enterré. La presse papier n’intoxique plus qu’un dernier stock de retraités provinciaux, les médias « 2.0 » ne survivent que moyennant une orgie de subventions et ne sont, de fait, que des prostituées de l’oligarchie. Le tableau du désastre, dans la prose déchaînée et drolatique de Modeste Schwartz, oscille entre le « bordel afghan » et les érections post-mortem des pendus.

Avant qu’une civil­i­sa­tion bizarre (la nôtre) ne dote ce terme d’une con­no­ta­tion étrange­ment pos­i­tive, «l’avant-garde» n’avait rien d’élogieux. Et pour cause : en tech­nique mil­i­taire, elle partageait avec l’arrière-garde (qui, elle en revanche, a raté cette pro­mo­tion cul­turelle) la car­ac­téris­tique d’être une troupe sac­ri­fiée. L’avant-garde, parce qu’elle va au con­tact d’un enne­mi encore frais, encore entier, encore au mieux de sa force de frappe. L’arrière-garde, parce que, cou­vrant l’avance ou la retraite du gros des troupes, elle affronte un enne­mi qu’elle a pour seule fonc­tion de retarder, mais ne peut en aucun cas vain­cre – et a donc toutes les chances de se faire décimer. Dans les deux cas, on imag­ine mal un stratège aver­ti sélec­tion­ner pour de telles troupes ses sol­dats les mieux for­més, les plus promet­teurs ou les plus fiables. On va, bien au con­traire, envoy­er des crevards : fan­farons, alcooliques, délin­quants, usés physique­ment et/ou psy­chologique­ment. Des sol­dats qui, au moment de cette affec­ta­tion, valent déjà plus cher morts que vifs.

Le Great Reset, ou le tout pour le tout

Telle est bien la sit­u­a­tion, à la fin des années 2010, de ce que j’ai appelé ailleurs la «Galax­ie Guten­berg 2.0» : les médias audio­vi­suels non-inter­ac­t­ifs (notam­ment hertziens), et des débris de Galax­ie Guten­berg 1.0 (GG1.0) qu’elle traîne encore dans ses four­gons (comme ces quo­ti­di­ens papi­er régionaux intox­i­cant un dernier stock de retraités provin­ci­aux, tirés sur des rota­tives qu’on ne con­stru­it plus et ne rem­place plus – réparant l’une avec les pièces prélevées sur le cadavre de l’autre). En ter­mes d’influence, il était bien clair, dès les années 2000 au plus tard, que ces crevards ne passeraient pas l’hiver 2030. Cette con­stata­tion – jointe à la grande frayeur oli­garchique de 2016, et aux fis­sures apparues à l’été 2019 dans l’édifice financier – n’est prob­a­ble­ment pas étrangère à la déci­sion (prise au plus tard en 2019) de pré­cip­iter la mise en œuvre du Great Reset : un pro­gramme dont on sait par ailleurs que cer­tains de ses élé­ments sont anciens, mais dont l’exécution, à par­tir de mars 2020, s’est faite à marche for­cée, sur le principe «ça passe ou ça casse». L’oligarchie occi­den­tale, préférant ris­quer le tout pour le tout plutôt que de ris­quer d’avoir – même dans des cir­con­stances rel­a­tive­ment paci­fiques – à pass­er la main, a vis­i­ble­ment décidé de «jouer son tapis».

Depuis la fin de la Guerre froide, cette oli­garchie avait peu à peu acquis un con­trôle presque inté­gral de ces struc­tures médi­a­tiques suran­nées que j’appelle GG2.0 ; on pour­rait presque dire qu’elle en avait hérité, rachetant à vil prix des titres que le con­som­ma­teur médi­a­tique ne désir­ait plus rémunér­er – du fait d’un cer­cle vicieux du dés­in­térêt et de la dépra­va­tion : vieille pute mal­menée par la con­cur­rence des jeunes nymphomanes à accès libre (la presse élec­tron­ique, soit GG3.0), GG2.0, en se lais­sant «maquer» par l’oligarchie et en en relayant les men­songes, ne pou­vait qu’augmenter jour après jour le mépris d’une clien­tèle pop­u­laire (notam­ment jeune) déjà de toute façon hap­pée par GG3.0. Quelques vieux et de rich­es per­vers qui lui deman­deront, à terme, d’arnaquer ces quelques vieux : c’est là, hélas, le des­tin de bien des péri­patéti­ci­ennes vieil­lis­santes. La plu­part réus­sis­sent néan­moins – à la dif­férence de la presse occi­den­tale – a vivre ce triste des­tin sans en prof­iter pour met­tre le feu aux sociétés qui les ont produites.

Philanthropie en bande organisée

Vient alors pour GG2.0, en 2020, l’équivalent du bor­del afghan (ou du semi-remorque saharien pour les semi-épaves plus auto­mo­biles) : l’arrière-garde covidiste. Depuis main­tenant 14 mois, comme un seul homme, elle dénonce chaque mois comme «théories con­spir­a­tionnistes» les aver­tisse­ments proférés par divers lanceurs d’alertes, lesquels aver­tisse­ments, au bout d’un laps de temps d’une durée moyenne de trois mois, devi­en­nent générale­ment des nou­velles haute­ment offi­cielles, qui s’intègrent à la très plas­tique «nou­velle nor­mal­ité». Dans ces con­di­tions, il est bien évi­dent que le cycle du men­songe adopte un rythme débor­dant même les capac­ités d’amnésie du pois­son rouge médi­a­vore, et que, sub­séquem­ment, le rythme de vieil­lisse­ment de GG2.0 a aug­men­té d’un ordre de grandeur au moins.

Ce qui fait bien sûr les affaires de GG3.0, dont le boom actuel n’est prob­a­ble­ment pas étranger aux «nou­velles» préoc­cu­pa­tions de Davos : jadis si tour­men­tée par les men­aces «virales», cette phil­an­thropie en bande organ­isée dit aujourd’hui crain­dre surtout les «cyber­at­taques», tan­dis que ses mar­i­on­nettes gou­verne­men­tales par­lent désor­mais (usant d’un vocab­u­laire fort exo­tique dans leur bouche) d’un «Inter­net sou­verain» pour l’Europe. En d’autres ter­mes : après pseu­do-sin­i­sa­tion de la ges­tion du trou­peau physique, via l’identité dig­i­tale chère à Bill Gates, pré­parez-vous à la pseu­do-sin­i­sa­tion des com­mu­ni­ca­tions élec­tron­iques occi­den­tales. Il est, au fond, bien naturel que l’Etat-mère (abu­sive), désor­mais en charge de votre san­té, veuille aus­si impos­er un con­trôle parental à vos insom­nies en ligne.

Évidem­ment, si l’arrière-garde est un pro­duit «à date courte», pour autant, elle n’est pas vrai­ment bon marché. On aurait tort de lésin­er sur la sol­de d’un soudard qu’on envoie au casse-pipe – pas qu’il aille chang­er d’avis sur la dernière cen­taine de mètres, désert­er, voire retourn­er ses armes (comme vient, me dit-on, de le faire le bon lan­squenet Qua­tremer). Il fait au con­traire l’objet d’une véri­ta­ble averse de grat­i­fi­ca­tions – d’autant moins avares qu’on sait bien qu’on n’aura plus à le pay­er très longtemps. C’est, paraît-il, en ver­tu d’une logique sem­blable que les pen­dus ban­dent, et éjac­u­lent au moment du tré­pas : sachant d’instinct qu’il n’en aura plus l’usage, l’organisme s’auto-bombarde de toutes les hor­mones de bon­heur qui auraient aupar­a­vant dû rétribuer un com­porte­ment utile à l’espèce, c’est-à-dire repro­duc­tif (ce qui explique en par­tie le fait que cer­tains per­vers en aient tiré des pra­tiques sex­uelles d’étouffement plus ou moins contrôlé).

C’est, me direz-vous, bien ce que fait (juste beau­coup plus lente­ment) cette jeunesse occi­den­tale woke, stérile avant même d’être piquée, encore mieux vac­cinée et tatouée que les chiens qui lui tien­nent lieu de famille, en se bran­lant devant Net­flix. Certes. Mais c’est aus­si et surtout ce que font les nonagé­naires de l’oligarchie occi­den­tale finis­sante avec leur pute GG2.0, qui ne remar­que prob­a­ble­ment même pas qu’elle est déjà dans le four­gon qui mène au bor­del afghan, tant ses vénérables souteneurs, entre temps, la soumet­tent à un véri­ta­ble bukake de liq­uid­ités ; rap­pelons, à toutes fins utiles, quelques-uns de ces chiffres ver­tig­ineux : 4 738 019 € à Libéra­tion, 1 903 249 € au Monde, 318 225 € à L’Obs, 3 910 850 € à L’Humanité (qui, con­traire­ment à ce qu’on pré­tendait il y a encore trente ans, n’accepte pas que les rou­bles), 470 861 € à Mar­i­anne… Non seule­ment Gates arrose comme un Siffre­di de la pro­pa­gande ce harem déjà gâté par l’oncle Soros, mais leurs porte-coton gou­verne­men­taux y vont, en out­re, de leur petit pourliche d’après-tournante. N’en jetez plus!

Lit­térale­ment gavée de fric, GG2.0 se con­ver­tit sans le vouloir au sous-genre pornographique un peu trash du gag­ging. Ce qui rap­pelle cette scène d’exécution par irru­ma­tion d’une pute sur le retour, dont un cinéaste serbe nous avait grat­i­fiés , actu­al­isant un peu les intu­itions du Pasoli­ni des 120 Journées. Le sadisme est l’inévitable des­tin des libidos per­vers­es, défini­toire­ment stériles : quand la force génésique n’est pas au ser­vice de la vie, c’est donc qu’elle est au ser­vice de la mort. Et le moment libéral/libertaire de la séquence 1968–2020 – pour long qu’il nous ait sem­blé, à l’échelle d’une vie indi­vidu­elle – n’aura finale­ment été que ça : le ban­quet qu’offrent les darons per­vers à leurs jeunes vic­times, avant de les immol­er dans l’orgie finale, sadique et sui­cidaire. Un ban­quet de merde, certes : l’odeur des matières fécales servies dans cette argen­terie droit-de‑l’hommiste aurait prob­a­ble­ment dû nous alert­er, nous lais­sant sub­odor­er le dénoue­ment des fes­tiv­ités. Il est main­tenant trop tard : le pen­du de Davos a éjac­ulé sur son arrière-garde de chair à canon médi­a­tique, et de son foutre mau­dit va jail­lir – comme, croy­ait-on jadis, la man­dragore de celui des authen­tiques pen­dus – la fleur rouge du chaos. Fuyez, mes frères, fuyez si vous le pouvez!

Nor­malien, agrégé, tra­duc­teur, lin­guiste et poly­glotte, Mod­este Schwartz vient de pub­li­er un essai sans com­pro­mis sur Le magi­cien de Davos. Vérité(s) et mensonge(s) de la Grande Réini­tial­i­sa­tion. L’An­tipresse a déjà pub­lié un extrait avec un entre­tien.