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Migrants et médias, Macron tient ses promesses, approbation discrète

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31 décembre 2017

Temps de lecture : 5 minutes
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Migrants et médias, Macron tient ses promesses, approbation discrète

Temps de lecture : 5 minutes

[Red­if­fu­sion – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 18/10/2017]

Promesses tenues ! Avec discrétion. Une nouvelle sobre tombe sur les prompteurs des salles de rédaction le 9 octobre 2017 peu avant minuit. Le Figaro et Le Point sont les premiers à réagir en ligne : « La France va accueillir 10 000 réfugiés » d’ici 2019. Comment cette nouvelle est-elle relayée dans les médias entre le 9 et le 12 octobre ?

Le sujet est évidemment très sensible

La ques­tion se pose ou devrait se pos­er tant le sujet des migrants est sen­si­ble depuis deux ans. Cha­cun ayant pris con­science des omis­sions volon­taires rel­a­tives à l’origine de la majorité des migrants. Omis­sions au niveau de l’Union Européenne et des États, large­ment relayées par une presse sous influ­ence. Tous l’affirmaient comme un seul homme : les migrants seraient tous des « réfugiés ». Des per­son­nes oblig­ées de fuir des pays en guerre que nous auri­ons le devoir d’accueillir. Il s’agissait pour­tant et avant tout d’hommes jeunes, migrant pour des raisons économiques. L’Europe aurait un tel besoin de bras jeunes, mas­culins et corvéables, qu’un petit men­songe… La donne a un peu changé : un effet des récentes élec­tions, en France comme en Alle­magne. Nom­bre d’observateurs le notent, par exem­ple en France : la trans­for­ma­tion du paysage eth­nique des villes ne va pas sans pos­er de prob­lèmes. Alors, com­ment main­tenir la fable ?

Les faits ? La France va ouvrir 10 000 places

L’information tombée le 9 octo­bre au soir et relayé ensuite jusqu’au 12 octo­bre ? Le Figaro a dégainé le pre­mier, suivi de peu par Le Point : « La France va démar­rer “dans les prochaines semaines” des mis­sions au Niger et au Tchad pour iden­ti­fi­er des per­son­nes pou­vant béné­fici­er du droit d’asile, sur des listes pro­posées par le Haut Com­mis­sari­at de l’ONU pour les Réfugiés (HCR), a annon­cé Emmanuel Macron lun­di. Ces mis­sions menées par l’Of­pra (Office français de pro­tec­tion des réfugiés et apa­trides) visent aus­si à “mieux prévenir la sit­u­a­tion depuis le Niger et le Tchad pour prévenir un afflux de migrants économiques” non éli­gi­bles au droit d’asile, a expliqué le prési­dent, après avoir reçu à l’Élysée le prési­dent du HCR, Fil­ip­po Gran­di. Au total, la France “ouvri­ra sur les deux prochaines années 10.000 places” pour ces réfugiés “réin­stal­lés” depuis le Niger, le Tchad, mais aus­si de Turquie, du Liban et de Jor­danie, a annon­cé le prési­dent ». C’est à peu de dif­férences près ce que l’ensemble des médias relaient dans les jours suiv­ants. Peu de choses, mais des nuances de taille.

Un seul mot vous manque et tout est…

Dès le 10 octo­bre, le mot « réfugiés » appa­raît sur les sites de la plu­part des médias. Il est par­fois, mais rarement, rem­placé par l’expression « migrants réin­stal­lés ». BFMTV réper­cute l’information telle que fournie par la prési­dence de la République, intro­duisant cepen­dant une pre­mière nuance de taille. D’après la chaîne d’informations en con­tin­ue, ce sont tou­jours des « réfugiés » et non des migrants – mais ce sont aus­si des « réfugiés sup­plé­men­taires ». Ce que l’immense majorité des autres médias passe sous silence. Par con­tre, à l’instar de l’ensemble des jour­naux, la chaîne réper­cute aus­si l’élément de lan­gage voulu par l’Élysée, sans esprit cri­tique : il s’agit de « prévenir l’afflux de migrants économiques ». Cet élé­ment de lan­gage est présent dans tous les médias : de Fran­ce­in­fo au Monde en pas­sant par La Croix ou RFI. L’information est rarement dans les pages papi­er des quo­ti­di­ens, jamais en Une. Sur les sites inter­net surtout. Une infor­ma­tion de peu d’importance en somme. Résumons-nous : La France s’engage à accueil­lir 10 000 « réfugiés », autrement dit des per­son­nes men­acées pour cause de guerre, en plus de ceux déjà prévus – mais cela on ne le dit pas. Et ces « réfugiés » sont accueil­lis dans le but de restrein­dre l’arrivée de migrants économiques sur le ter­ri­toire français. La pen­sée du prési­dent sem­ble en effet bien complexe.

Complexe ? Comme une entourloupe ?

Ain­si, tout sem­ble fait pour ne pas inquiéter une pop­u­la­tion française qui mon­tre des signes d’agacement devant les flux migra­toires. Ce n’est pas la réal­ité de l’inquiétude ou du risque accru de ten­sions que les médias relaient. Plutôt la sim­ple parole offi­cielle du prési­dent et de son gou­verne­ment. Ain­si, en pro­longe­ment de l’annonce d’Emmanuel Macron, le min­istre de l’Intérieur Gérard Col­lomb a indiqué dans un com­mu­niqué que 3000 de ces migrants seront « issus des mis­sions avancées de Ofpra au Niger et au Tchad ». Autrement dit : un tiers des « réfugiés » sont des réfugiés. 70 % seront des migrants ne venant pas d’espaces sous ten­sions. Le 10 octo­bre, lors des mati­nales de France Inter ou d’Europe 1, ce sont les mêmes élé­ments de lan­gage. L’information dis­paraît ensuite des médias, et n’est du reste pas relayée par les prin­ci­paux heb­do­madaires en fin de semaine – ni dans L’Obs ni dans L’Express par exem­ple. Seuls les ver­sions inter­net des heb­do­madaires et quo­ti­di­ens papi­er s’en sont fait l’écho. Une infor­ma­tion reléguée au sec­ond plan pour cause de Cat­a­logne et de mou­ve­ments sociaux ?

Conclusion ?

L’État français va accueil­lir plus de migrants que prévu et con­tin­uer d’imprimer dans l’opinion publique cette idée que la majorité d’entre eux sont des « réfugiés ». Avec l’aide de médias qui ne s’interrogent ni sur les élé­ments de lan­gage four­nis par le pou­voir poli­tique ni sur la réal­ité du ter­rain, autrement dit sur ce qui est vécu par les pop­u­la­tions amenées à con­crète­ment accueil­lir ces migrants. Tout se passe comme si pou­voirs poli­tiques et médi­a­tiques avaient entériné ce fait que les migra­tions seraient dev­enues la norme. Une pré­ten­due norme jamais ques­tion­née par les médias. Par con­tre, le 12 octo­bre L’Obs se pose d’autres ques­tions urgentes : « Pourquoi les nation­al­ismes pro­gressent ? » ou « Qui veut la peau d’Anne Hidal­go ? ». Drôle d’époque pour une presse qui ne paraît plus à même de faire de liens entre dif­férents faits, ni de hiérar­chis­er les infor­ma­tions par rap­port au Pays réel. À moins que ce ne soit délibéré ?

Crédit pho­to : Ville de Nev­ers via Flickr (cc)