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Michel Houellebecq contre les médias dominants français

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4 février 2017

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Michel Houellebecq contre les médias dominants français

Michel Houellebecq contre les médias dominants français

Temps de lecture : 4 minutes

Au tout début de l’année, l’écrivain français donnait une conférence en Argentine dont la captation est aujourd’hui disponible sur le compte YouTube du ministère de la culture argentin, sur le thème des intellectuels français.

Abor­dant d’emblée la ques­tion de leur déclin telle que for­mulée dans la presse anglo-sax­onne, et citant un arti­cle emblé­ma­tique du Guardian sur la sup­posée « dérive » des intel­lectuels français, Michel Houelle­becq a mon­tré rapi­de­ment que ceux-ci étaient essen­tielle­ment accusés d’avoir déserté la gauche depuis une ving­taine d’années, gauche dont le mono­pole en par­tie indu mais à peu près exhaus­tif s’était affir­mé après la sec­onde guerre mondiale.

À tra­vers un panora­ma rapi­de et bril­lant de la vie intel­lectuelle française du dernier demi-siè­cle, Houelle­becq explique com­ment la perte de pou­voir du Par­ti Com­mu­niste a entraîné peu à peu une révolte des élites con­tre le peu­ple, en France, l’apparition du mot « pop­ulisme » comme la mul­ti­pli­ca­tion de l’adjectif « nauséabond » revenant à reprocher en fait au peu­ple, et beau­coup plus lit­térale­ment qu’on le pré­tend, de « sen­tir mau­vais ». « Tout ça pour vous situer qu’entre la pop­u­la­tion et les élites en France, le mot « incom­préhen­sion » est à mon avis beau­coup trop faible. Ce à quoi on a affaire, c’est tout sim­ple­ment à de la haine. », a résumé l’écrivain avant d’enchaîner, au sujet des médias français, des déc­la­ra­tions fracassantes.

Chasse aux sorcières

« La vio­lence du débat pub­lic, en France, enfin de qu’on appelle le « débat pub­lic » mais qui est tout sim­ple­ment une chas­se aux sor­cières, n’a cessé d’augmenter, et le niveau des insultes n’a cessé d’augmenter. », a remar­qué Michel Houelle­becq avant de rap­pel­er qu’un cap avait été franchi avec la mort, en juin dernier, de l’écrivain Mau­rice Dan­tec. En effet, la presse française n’aurait alors même plus eu le souci du respect des morts. Imag­i­nant que sa pro­pre mort déchain­erait encore davan­tage les médias, Houelle­becq a dit ne pas dés­espér­er d’assister cela dit à la fail­lite de plusieurs titres. « Ce sera très dif­fi­cile, regrette-t-il, parce qu’en France, les jour­naux sont finan­cière­ment soutenus par l’État. Au pas­sage, ça me paraît l’une des dépens­es publiques les plus injus­ti­fiées et scan­daleuses dans ce pays. (…) Tous les médias de gauche, c’est-à-dire presque tous les médias français, sont dans une sit­u­a­tion dif­fi­cile faute de lecteurs. » Le règne de François Hol­lande aura inau­guré un degré sup­plé­men­taire dans la ten­sion et la cen­sure, assure-t-il ensuite, Alain Finkielkraut et Michel Onfray se voy­ant traités « d’abjects » après qu’ils eurent rejoint le camp de la pop­u­la­tion et aban­don­né celui des élites. Un autre événe­ment est selon lui très sig­ni­fi­catif : « Il y a deux ans, il s’est passé une chose très sur­prenante : plusieurs per­son­nal­ités de gauche de pre­mier plan : un min­istre et le prési­dent de l’Assemblée Nationale (…) ont déclaré que les idées défendues par Éric Zem­mour étaient inac­cept­a­bles et qu’il devrait être privé de toute tri­bune publique pour les exprimer. Déjà, c’était sur­prenant comme déc­la­ra­tion. Mais le plus stupé­fi­ant, c’est que les médias, pour­tant des médias privés, ont obéi au pou­voir. I‑Télé, la chaîne où il tenait son émis­sion, a bien ren­voyé Éric Zemmour. »

Commissaires politiques

Houelle­becq est enfin revenu sur le fameux libelle du com­mis­saire poli­tique Daniel Lin­den­berg, Le Rap­pel à l’ordre, qui lança, en 2002, l’affaire des « Nou­veaux réac­tion­naires ». Remar­quant que tous les intel­lectuels et écrivains alors attaqués avaient des visions du monde par­fois très diver­gentes, il rap­pela aus­si que tous s’étaient sen­tis hon­orés d’être ain­si inté­gré au même groupe, Alain Finkiel­raut allant jusqu’à par­ler de « dream team ». Que ces intel­lectuels français entre­prirent alors un mou­ve­ment salu­taire de libéra­tion de la pen­sée, con­tre la dic­tature médi­a­tique de la gauche et du poli­tique­ment cor­rect, voici qui témoigne juste­ment de la vital­ité des intel­lectuels français, explique alors Houelle­becq, tout en con­clu­ant son inter­ven­tion par un très émou­vant hom­mage à ses con­frères dis­parus : Philippe Muray et Mau­rice Dan­tec. Que cette lutte con­tre la pro­pa­gande et l’intolérance médi­a­tiques français­es, à laque­lle se vouent notam­ment des sites comme l’OJIM, se voit menée de front, et avec courage et intel­li­gence par l’écrivain français vivant le plus con­nu au monde, ne peut que nous encour­ager à appro­fondir nos analy­ses et à les accentuer.