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L’Amérique n’aime plus du tout Scott Adams et son personnage Dilbert

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6 mars 2023

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | L’Amérique n’aime plus du tout Scott Adams et son personnage Dilbert

L’Amérique n’aime plus du tout Scott Adams et son personnage Dilbert

Temps de lecture : 5 minutes

Monstrueusement célèbres dans le monde anglophone, le dessinateur Scott Adams et son personnage Dilbert sont interdits de publication depuis le 28 février 2023 dans des centaines de journaux américains.

Dilbert = Astérix multiplié par…

Dil­bert, la bande dess­inée de Scott Adams, apparue pour la pre­mière fois dans les jour­naux en 1989, est un peu ce qu’As­ter­ix est pour nous — mais mul­ti­plié par un mil­lion, au moins. Cela fait 30 ans que les ama­teurs de ban­des dess­inées et d’hu­mour, et ils sont très nom­breux dans le monde anglo-sax­on ou anglo­phone, en par­ti­c­uli­er aux États-Unis, se réjouis­sent en lisant cette bande dess­inée, et plus générale­ment en s’ar­rê­tant sur les dessins de Scott Adams qui parais­sent dans une mul­ti­tude de jour­naux, à l’échelle locale et fédérale. Dil­bert est lu dans le monde entier et il n’est pas exagéré de dire que le per­son­nage a des dizaines de mil­lions de lecteurs.

Critique du monde de l’entreprise

La par­tic­u­lar­ité de Dil­bert, c’est son côté satirique. Adams a des fans de tous les âges, en par­ti­c­uli­er du fait de ses cri­tiques du monde de l’en­tre­prise. Des cri­tiques qui touchent n’im­porte qui, sont uni­verselles. Cepen­dant, le dessi­na­teur est lui aus­si, depuis une dizaine d’an­nées, l’ob­jet de cri­tiques quant à ses affil­i­a­tions poli­tiques, sou­vent con­sid­érées comme « com­plo­tistes » et plus récem­ment claire­ment exprimées en faveur de Don­ald Trump. De quoi divis­er out­re-Atlan­tique. Les opin­ions poli­tiques de Scott Adams, out­re des déc­la­ra­tions, par exem­ple au sujet d’un COVID-19 qu’il affirme n’être qu’un gros rhume, appa­rais­sent de plus en plus dans ses dessins. Ain­si, la bande dess­inée Dil­bert et les autres dessins d’Adams se sont mis, en tant que tels, pro­gres­sive­ment (ou « con­ser­v­a­tive­ment » dans son cas) à divis­er l’Amérique.

Adams et ses conseils de protection des blancs

Le 26 févri­er 2023, selon The Cleve­land Plain Deal­er :

« Scott Adams, créa­teur de la bande dess­inée Dil­bert, s’est lancé dans une dia­tribe raciste cette semaine dans son émis­sion vidéo en ligne Cof­fee with Scott Adams, et nous ne pub­lierons plus sa bande dess­inée dans le Plain Deal­er. Ce n’est pas une déci­sion dif­fi­cile à pren­dre. Adams a déclaré que les noirs con­stituent un groupe haineux, citant un récent sondage Ras­mussen qui, selon lui, mon­tre que près de la moitié des noirs ne sont pas d’ac­cord avec la phrase « C’est ok d’être blanc »…

« Je dirais, d’après la façon dont les choses se passent actuelle­ment, que le meilleur con­seil que je pour­rais don­ner aux blancs est de se tenir à l’é­cart des noirs », dit Scott Adams dans la vidéo. ». Le jour­nal est l’un des pre­miers à par­ler de cette his­toire. Notons que le mot « dia­tribe » sera repris par l’ensem­ble des médias.

Le NYT surenchérit

Par ailleurs, une porte-parole du New York Times a déclaré dimanche 27 févri­er : « Nous avons décidé de ne plus pub­li­er la bande dess­inée Dil­bert dans notre édi­tion imprimée à la suite de com­men­taires racistes de Scott Adams. La pub­li­ca­tion de la bande dess­inée a été lim­itée à notre édi­tion imprimée inter­na­tionale et n’a pas été pub­liée dans notre édi­tion améri­caine ou en ligne. » Dil­bert a égale­ment été retiré de l’ensem­ble du réseau USA Today, qui pub­lie plus de 200 jour­naux sur tout le ter­ri­toire des États-Unis.

Ubu veut la censure

Notons cette drôle de déc­la­ra­tion, un peu ubuesque, de Therese Bot­tom­ly, rédac­trice en chef de The Ore­gon­ian. Elle écrit dans une let­tre aux lecteurs, same­di 26 févri­er : « J’ai pris cette déci­sion après avoir regardé la dia­tribe de près d’une heure d’Adams dans son émis­sion « Real Cof­fee with Scott Adams » sur YouTube, qui com­pre­nait des exhor­ta­tions telles que : « Je dirais, d’après la façon dont les choses se passent actuelle­ment, que le meilleur con­seil que je don­nerais aux Blancs est de s’éloign­er des Noirs ». D’habi­tude, j’aime expli­quer pleine­ment nos déci­sions aux lecteurs, mais une grande par­tie de ce qu’il a dit est trop man­i­feste­ment offen­sant. Je ne répéterai pas ses com­men­taires ici. Cer­tains lecteurs vont sans doute tourn­er ma déci­sion en déri­sion, la qual­i­fi­ant d’ex­em­ple d’une cul­ture trop « woke » ou d’une réponse « poli­tique­ment cor­recte » instinc­tive. Qu’en est-il de la lib­erté d’ex­pres­sion, diront-ils ? N’est-ce pas de la cen­sure ? Per­son­ne ne retire à Adams son droit à la lib­erté d’ex­pres­sion. Il est libre de partager ses com­men­taires odieux sur YouTube et Twit­ter tant que ces entre­pris­es les autorisent. ». Un appel clair envoyé à YouTube et Twit­ter pour ren­dre invis­i­ble Scott Adams.

De son côté, le patron de Twit­ter, Elon Musk, en a prof­ité pour cri­ti­quer la par­tial­ité des médias et leur offen­sive mas­sive con­tre Scott Adams, une bonne polémique qui ne peut que faire du bien à Twit­ter.

Toute la car­rière de Scott Adams, com­mencée il y a 30 ans, témoigne de la force de l’hu­mour pour dire des vérités douloureuses au pou­voir poli­tique comme aux pou­voirs médi­a­tiques. En util­isant l’hu­mour pour met­tre en lumière les aspects som­bres de la vie mod­erne, en tour­nant en déri­sion cer­tains de nos modes de vie, Adams con­tribuait à don­ner un sens à un monde qui juste­ment sem­ble sou­vent insen­sé. Il vient de pass­er à la trappe.