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Karl Zéro s’est-il organisé un petit festival familial et amical payé par le contribuable à Trouville ?

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28 octobre 2017

Temps de lecture : 7 minutes
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Karl Zéro s’est-il organisé un petit festival familial et amical payé par le contribuable à Trouville ?

Temps de lecture : 7 minutes

L’ex-vedette de télévision Karl Zéro organise depuis deux ans le festival du film Culte à Trouville-sur-Mer, où il est propriétaire d’une résidence secondaire. Problème : selon les détracteurs du festival (et de la mairie), c’est le contribuable qui paie les factures à rallonge d’un festival organisé entre amis et en famille. Karl Zéro se juge, lui, victime d’un clochemerle local. La mairie de Trouville-sur-Mer a lâché l’ancienne vedette… qui s’est trouvé un nouveau port d’attache à Porto-Vecchio (Corse) avec le festival du film politique.

Le Canard Enchaîné résumait l’af­faire, début octo­bre. Pour l’or­gan­i­sa­tion du fes­ti­val, Karl Zéro n’est pas allé chercher bien loin : sa femme est la prési­dente de l’as­so­ci­a­tion, sa fille, Anaïs, s’occupe des pro­gram­ma­tions, son fils, Gabin, fait la pro­mo web. Dans le jury, il a recasé tous ses copains : Joey Starr, Lau­rent Baffie, Arielle Dom­basle, Jacques Séguéla etc…

Des aides à répétition et des dépassements à rallonge

Et pour les bud­gets, ils ne sont jamais tenus. En 2016, la ville avait sub­ven­tion­né à hau­teur de 60 000 €, et avait du remet­tre 30 000 € en cat­a­stro­phe. En 2017, elle a voté 60 000 € de sub­ven­tion, et « par­al­lèle­ment, la Ville a apporté son sou­tien à Karl Zéro à tra­vers la mise à dis­po­si­tion de locaux, de matériel logis­tique ain­si que de divers­es autres aides indi­rectes » pour 20 000 €, explique le jour­nal local, Le Pays d’Auge, un biheb­do­madaire du groupe Pub­li­heb­dos (fil­iale de Ouest-France) dif­fusé en moyenne à 10 000 exem­plaires le mar­di et le vendredi.

La région Nor­mandie a aligné, elle, 30 000 €. Quand on voit le nom­bre de pro­jets asso­ci­at­ifs, de repris­es ou de mod­erni­sa­tions de com­merces, de travaux qui échouent faute d’avoir obtenu au bon moment les bonnes aides, ces mon­tants lais­sent songeurs.

Cepen­dant, Karl Zéro a sol­lic­ité une ral­longe de 58 403 € pour son fes­ti­val, mal­gré une fréquen­ta­tion en demi-teinte. « La Ville a notam­ment pris en charge la loca­tion d’une tri­bune pour 9 506,40 €, une presta­tion d’hôtesses pour 5 870,79 € et une fac­ture de gar­di­en­nage pour 13 870,79 €. La val­ori­sa­tion com­prend aus­si un tra­jet en taxi d’un total de 550 € », pré­cise le jour­nal. Le maire a fait vot­er la ral­longe, mais l’op­po­si­tion comme la majorité cri­ent halte au sketch : « Où sont les comptes d’ailleurs, que j’ai réclamés de nom­breuses fois ? Sur quel doc­u­ment compt­able s’appuie-t-on ? Bref, trois jours de fes­ti­val, sans pub­lic ou presque (le con­cert de Michel Legrand étant une tout autre man­i­fes­ta­tion) à 120 000 €, cela revient pour la ville à débours­er 40 000 € par jour », s’in­surge l’élue d’op­po­si­tion Élis­a­beth Schemla.

Dans un com­mu­niqué de presse, Karl Zéro a annon­cé la troisième édi­tion avant même le vote du con­seil munic­i­pal : « j’en prof­ite pour annon­cer dès aujourd’hui la troisième édi­tion du FIFC à Trou­ville-sur-Mer, afin d’éviter aux “mécon­tents” de pro­test­er à nou­veau en jan­vi­er prochain, comme l’an passé ». Cepen­dant le Pays d’Auge en doute : « de l’aveu même du maire, à l’issue de la séance de con­seil munic­i­pal, il sera qua­si­ment impos­si­ble d’organiser une troisième édi­tion ». Aux frais de la mairie tout au moins.

Karl Zéro, victime d’un clochemerle organisé par une presse partiale ?

Karl Zéro a répon­du au Canard Enchaîné : « j’ai 130 000 € de bud­get et je ne gagne rien. Seuls mes enfants sont payés, 1000 €, pour un vrai tra­vail ». Dans Le Pays d’Auge, il s’es­time « écœuré » par les accu­sa­tions dont il fait l’ob­jet : « Dans Le Canard Enchaîné j’ai le sen­ti­ment d’être le François Fil­lon du pau­vre et dans vos colonnes je lis que ” je fais pay­er la Ville” puis que la mairie me lâcherait. Franche­ment, quel est notre intérêt à organ­is­er ce Fes­ti­val ? On ne prend pas d’argent. On le fait vrai­ment. Cela nous mobilise trois mois. Trois mois où on n’est pas payé ».

Il explique que l’aug­men­ta­tion des dépens­es est lié à l’ap­port en indus­trie (locaux, amé­nage­ment, ser­vices) effec­tué et géré par la Ville « ce n’est pas moi qui signe les chèques. Je n’étais même pas au courant de ces dépens­es sup­plé­men­taires. Nous ne choi­sis­sons pas les entre­pris­es de sécu­rité, d’hôtesses ou de chauf­feur et ne com­man­dons pas non plus de taxi… ». C’est donc cet apport, incor­recte­ment chiffré, qui aurait fait mon­ter la fac­ture. Il détaille son bud­get : 250 000 € avec les sub­ven­tions de la ville et de la région, « les apports en échanges, gra­cieux en réal­ité, de sou­tien à notre opéra­tion de l’ensemble de nos parte­naires, qui représen­tent 80 000 €. Vous ajoutez à cela les apports des pages ven­dues dans le cat­a­logue ou la vis­i­bil­ité de mar­que, en l’occurrence cette année Viven­di au tra­vers de CNews et c’était Chanel, et cela ajoute 30 000 € ». Et insiste sur le coût médi­a­tique qui rat­trape pour Trou­ville la dif­férence de vis­i­bil­ité par rap­port à sa voi­sine Deauville. À quel prix ?

Il a répon­du aus­si à ses détracteurs sur Le Huff­in­g­ton Post, en appor­tant une pré­ci­sion éclairante : la prin­ci­pale détrac­trice de son fes­ti­val (et du maire) est une anci­enne jour­nal­iste. Ce qui pour­rait expli­quer que la presse locale a relayé avec com­plai­sance ses accu­sa­tions : « les per­son­nages: un respectable mag­is­trat à la Cour des Comptes, Maire de Trou­ville depuis bien trop longtemps au goût de sa con­seil­lère munic­i­pale d’op­po­si­tion, pré­maturé­ment retraitée d’une presse fla­geolante, qui s’est juré de le rem­plac­er. Des lus­tres qu’elle s’y emploie, ayant beau­coup de temps libre. Pour cela, bien sûr, tout lui est bon, car comme dis­ait Chirac “Plus c’est gros, plus ça passe” ! Au milieu, votre servi­teur, cible idéale pour faire les frais de l’éter­nel adage de tout con­seil munic­i­pal qui se respecte: sub­ven­tions = déra­pages! »

Il réplique avec vio­lence à la charge menée con­tre lui dans la presse locale : « les dia­logues se révè­lent affligeants de médi­ocrité. Faut dire qu’ils sont bâclés, écrits avec le coude par deux “plumi­tives”, rageuses pour d’ob­scures raisons témoignant de l’é­tat d’e­sprit rabougri qui règne tou­jours dans ces médias locaux aux ordres de céna­cles d’édiles en mal de recon­nais­sance. Même repeinte à la hâte par notre jeune prési­dent, La “France moisie” (chère à Sollers) affleure tou­jours: elle déteste tout ce qui est nou­veau, généreux ou auda­cieux. Elle sent la mort, cette France des rond-points et des bacs fleuris, des nap­per­ons sur la télé et des haines recuites, celle qui se tait et qui aime dénon­cer ».

Partir en Corse pour fuir la « France moisie » ?

Cepen­dant, il sem­ble avoir trou­vé une nou­velle mairie prête à le suiv­re : à Por­to-Vec­chio où il a eu une rési­dence sec­ondaire jusqu’en 2015. Il va y faire un fes­ti­val inter­na­tion­al du film poli­tique, une idée qui était née à Ajac­cio il y a quelques années mais n’avait pas prospéré là-bas. « Ce raout se tien­dra du 26 au 29 octo­bre, et pour la com­po­si­tion de son jury, Zéro n’a pas pris trop de risques. Y fig­ure Edmond Sime­oni, le pape vivant du nation­al­isme corse », pré­cise Le Canard Enchaîné. Il y annonce aus­si Rachi­da Dati, Jean Las­salle – vien­dra-t-il alors qu’il est pris dans la tour­mente du grand débal­lage de harceleurs sex­uels suite à l’af­faire Wein­stein ? – et Mar­lène Schiappa.

Pour cette pre­mière édi­tion du fes­ti­val, la mairie va align­er 10 000 € et son office de tourisme 50 000 €. D’autres sub­ven­tions pour­raient être obtenues grâce au mille-feuille ter­ri­to­r­i­al ; le départe­ment et la col­lec­tiv­ité ter­ri­to­ri­ale de Corse en l’oc­cur­rence, annonce Jérôme Paoli, cofon­da­teur du fes­ti­val. Qui va se dévelop­per dans la durée, explique Karl Zéro à France 3 Corse : « On a essayé d’avoir Oliv­er Stone mais c’est trop cher pour nous. Mais on l’aura à la deux­ième ou à la troisième, ce n’est pas très grave. Il y a un ciné­ma poli­tique dans le monde entier. C’est sou­vent un ciné­ma engagé ou socié­tal. L’idée c’est de les amen­er tous ici, petit à petit, et que ça devi­enne le ren­dez-vous poli­tique du ciné­ma ». The show must go on !

Crédit pho­to : Pierre Metivi­er via Flickr (cc)