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Conspiracy Watch : observatoire objectif du complotisme ou bras armé du gauchisme ?

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5 décembre 2017

Temps de lecture : 7 minutes
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Conspiracy Watch : observatoire objectif du complotisme ou bras armé du gauchisme ?

Temps de lecture : 7 minutes

Fondé en 2007 par Rudy Reichstadt, Conspiracy Watch, ou Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot, se donne pour objet d’analyser objectivement les théories du complot. Cependant la personnalité de son fondateur et ses méthodes laissent plutôt présager – comme pour le Decodex du monde – un outil pour dénoncer les opinions contraires et un bras armé du gauchisme politique.

Les théories du com­plot sont un ensem­ble attrape-tout qui vise les opin­ions diver­gentes de celles com­muné­ment admis­es sur la mort d’Ous­sama Ben Laden, l’af­faire DSK, le 11 sep­tem­bre, l’af­faire Mer­ah ou encore la reli­gion de Barack Oba­ma. Selon une enquête de l’institut de sondage Opin­ion­Way de 2013, entre 20 et 50% des Français seraient influ­encés par le « phénomène com­plo­tiste », d’au­tant plus dan­gereux pour les élites qu’il s’ag­it d’un refus d’ad­hé­sion à la pen­sée dom­i­nante. Bref, une sorte de mar­ronnage des class­es pop­u­laires qui par­ticipe au cré­pus­cule de la bobocratie, selon le géo­graphe Christophe Guilluy.

On peut déjà con­stater que l’ob­jec­tif est loin d’être neu­tre : il s’ag­it, en dénonçant le com­plo­tisme réel ou sup­posé, de ramen­er ceux qui prê­tent atten­tion à ces idées dans le droit chemin.

Un fondateur ancré à gauche

La per­son­nal­ité de Rudy Reich­stadt ne per­met pas d’ac­créditer la pos­si­bil­ité d’un posi­tion­nement neu­tre et objec­tif. Diplômé de l’in­sti­tut d’é­tudes poli­tiques d’Aix-en-Provence, il a été chef de bureau des affaires finan­cières au sein de la sous-direc­tion de l’administration générale et de l’équipement de la mairie de Paris jusqu’en 2017 – dix ans après la fon­da­tion de son Obser­va­toire du con­spir­a­tionnisme donc. En 2013 il affir­mait en effet au sujet de Con­spir­a­cy Watch : « un site que j’ai fondé en 2007 de ma pro­pre ini­tia­tive, dont je suis le seul maître à bord et dont je ne retire aucune rétri­bu­tion ».

Le Monde écrit en 2017 que « désor­mais rémunéré, il fonc­tionne main­tenant en tan­dem avec Valérie Igounet », une his­to­ri­enne spé­cial­iste dans la dénon­ci­a­tion de l’ex­trême-droite, qui a fait sa thèse de doc­tor­at sur le néga­tion­nisme en France et a écrit dans le Monde Diplo­ma­tique. Elle est rat­tachée à l’In­sti­tut d’his­toire du temps présent (IHTP) qui dépend du CNRS.

À titre per­son­nel, Rudy Reich­stadt est mem­bre de l’Ob­ser­va­toire des rad­i­cal­ités poli­tiques dirigé par Jean-Yves Camus au sein de la fon­da­tion Jean-Jau­rès, réputée proche du PS, il a aus­si été invité à deux repris­es – en sep­tem­bre 2012 et en juin 2013 – aux « sémi­naires » de La Règle du jeu de Bernard-Hen­ri Levy.

Il a aus­si écrit dans divers­es revues de gauche, comme Rue89 ou encore Pro-Choix. Cette revue, fondée en 1997 par Fiammet­ta Ven­ner et Car­o­line Fourest, avait d’abord comme objec­tif de défendre le « choix » de l’a­vorte­ment. Elle se définit main­tenant comme « revue d’in­ves­ti­ga­tion, de réflex­ion et d’analyse au ser­vice de la défense des lib­ertés indi­vidu­elles men­acées par l’essen­tial­isme, le racisme, l’in­té­grisme et toute idéolo­gie total­i­taire ou anti-choix ». Il a aus­si écrit dans le trimestriel du Fonds social juif unifié, l’Arche.

Une émis­sion où l’on retrou­ve Car­o­line Fourest et Fiammet­ta Vern­er dans l’équipe, sur France Inter, en août 2014, fait encore la pro­mo­tion de « Rudy Reich­stadt, gar­di­en de l’in­for­ma­tion sur Inter­net » et « kamikaze du web ». Rien que ça.

Conspiracy Watch, principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne ?

Suite à la dif­fu­sion du reportage « Les obsédés du com­plot », réal­isé par Car­o­line Fourest, Pas­cal Boni­face dénonce la trop grande prox­im­ité de Con­spir­a­cy Watch avec Car­o­line Fourest – elle n’a pas pré­cisé notam­ment qu’il était col­lab­o­ra­teur de sa revue Pro-Choix – et affirme que le site « est prin­ci­pale­ment con­sacré à la dénon­ci­a­tion des cri­tiques de la poli­tique israéli­enne ».

Il dénonce aus­si la faible audi­ence sur France 5 mal­gré un impor­tant battage médi­a­tique (1,9%) et la faible crédi­bil­ité du reportage (4,4%) pour les spec­ta­teurs. « La méth­ode de Car­o­line Fourest con­siste à pren­dre un fait con­damnable ou gênant et de lui don­ner une impor­tance sans com­mune mesure avec sa réal­ité, en évi­tant toute mise en per­spec­tive et con­tex­tu­al­i­sa­tion. Elle grossit un dan­ger et se pose en héroïne déter­minée à le com­bat­tre », assène Pas­cal Boniface.

Il ren­voie la charge du développe­ment du com­plo­tisme à ceux qui manip­u­lent l’in­for­ma­tion pour défendre leur pou­voir. Le com­plo­tisme est pour lui « la con­trepar­tie des mul­ti­ples manip­u­la­tions de l’in­for­ma­tion de la part des gou­verne­ments, des ser­vices, des officines. Cette guerre de pro­pa­gande est bien plus grave pour l’in­for­ma­tion du pub­lic, vu les moyens dont ils dis­posent, que quelques com­plo­tistes égarés ».

Rudy Reich­stadt dénonce le lende­main son juge­ment « faux et absurde » sur le site et sort le point God­win en affir­mant que Pas­cal Boni­face con­fond « la défense de la poli­tique de l’État d’Israël et la cri­tique de fan­tasmes con­spir­a­tionnistes aux remu­gles anti­sémites ».

Conspiracy Watch, un outil pour organiser la chasse aux sorcières contre les opposants au mainstream ?

En août 2016 une pre­mière passe d’armes oppose Olivi­er Berruy­er (Les Crises) et Rudy Reich­stadt lorsque celui-ci s’aperçoit que le pre­mier est invité à une table ronde lors des journées d’été de « À gauche pour gag­n­er », le courant des fron­deurs du PS. Il se lance donc dans une cam­pagne anti-Berruy­er sur Twit­ter, rapi­de­ment dénon­cée par ce dernier.

Rudy Reich­stadt répond sur son site : « Les-Crises.fr occupe une place toute par­ti­c­ulière dans la com­plosphère car il fait fonc­tion de trait d’union entre des sites ouverte­ment com­plo­tistes et le web non-com­plo­tiste. Si Les-Crises.fr était un bateau, ce serait un cha­lu­ti­er qui pêche dans les eaux trou­bles de la com­plosphère pour faire remon­ter à la sur­face des pseu­do-analy­ses à car­ac­tère con­spir­a­tionniste en les mélangeant à toutes sortes d’autres con­tenus, de manière à don­ner le change ».

C’est surtout le posi­tion­nement pro-russe des Crises qui le dérange : « d’un côté, vous veillez à relay­er des con­tenus provenant de sites d’information général­istes,“main­stream”, mais en les accom­pa­g­nant de com­men­taires tou­jours très ori­en­tés (et, s’agissant des sujets con­cer­nant la Russie, dans un sens claire­ment pro-pou­tinien, comme si la Russie se lim­i­tait à Vladimir Pou­tine) ».

En août 2017, nou­velle passe d’armes, suite à une sim­ple illus­tra­tion relayée par le blog Les Crises sur les événe­ments au Venezuela. Rudy Reich­stadt attaque à nou­veau le site en s’ap­puyant sur le Decodex du Monde qui le classe « peu fiable ». Cet out­il, financé par Google, devait servir à démon­ter les sources con­cur­rentes au main­stream médi­a­tique, mais il s’est finale­ment retourné con­tre ses con­cep­teurs au point de faire la pub des sites mis à l’in­dex. Le motif de l’ire de Reich­stadt ? La faux est décorée d’un dra­peau israélien, très dis­cret, car l’im­age orig­inelle fai­sait référence au coup d’é­tat du 3 juil­let 2013 en Égypte. Olivi­er Berruy­er mod­i­fie immé­di­ate­ment l’im­age pour faire dis­paraître toute trace dudit dra­peau, mais la chas­se aux sor­cières sur le web continue.

Par­mi ceux qui l’at­taque­nt, Romain Pigenel, respon­s­able de la com’ du gou­verne­ment Hol­lande après 2014 et inven­teur du geste du ral­liement des hol­lan­distes en 2012 (le change­ment, c’est main­tenant). Pour le change­ment, les français atten­dent tou­jours, quant à Hol­lande, qui n’a même pas osé se représen­ter, il a pu avoir une idée de l’ef­fi­cac­ité de sa com’.

Con­clu­sion d’O­livi­er Berruy­er au sujet de Con­spir­a­cy Watch et de ses méth­odes : « cha­cun jugera les méth­odes de Rudy Reich­stadt : aucune véri­fi­ca­tion auprès du site cible avant pub­li­ca­tion, amal­games “plus que bor­der”, aucune infor­ma­tion de ses lecteurs quand le dessin est cor­rigé (tou­jours rien 24 heures après mal­gré ma demande)… Cela illus­tre plus générale­ment la méth­ode qui se développe actuelle­ment, de général­i­sa­tion mal­hon­nête » qui con­siste à « faire pass­er une petite erreur non sub­stantielle en une preuve de pré­ten­due “non fia­bil­ité” d’une per­son­ne ou d’un site ». Fer­mez le ban.