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Claude Askolovitch partout, neutralité nulle part

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3 janvier 2018

Temps de lecture : 7 minutes
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Claude Askolovitch partout, neutralité nulle part

Temps de lecture : 7 minutes

[Red­if­fu­sion – arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 09/10/2017]

Le règne de Patrick Cohen sur la Matinale de France Inter s’affichait comme clairement idéologique. L’auditeur connaissait le discours qu’il trouverait en mettant ses oreillettes. L’Ojim le remarquait il y a peu, cet axe militant s’est encore accentué avec la nomination de Nicolas Demorand. La revue de presse caricaturale de Claude Askolovitch en est une sorte de symbole.

Diplômé du CFJ en 1985, Claude Askolovitch n’est pas un jour­nal­iste per­dreau de l’année. Il a fait le tour des médias main­stream et poli­tique­ment cor­rects, de L’Obs à Slate, où il offi­cie de façon régulière actuelle­ment, en pas­sant par Le Point, Mar­i­anne ou Europe 1. Les habitués d’Arte écoutent sa voix dans l’émission 28 Min­utes. Sur France Inter, cette même voix emplit les habita­cles des auto­mo­biles coincées dans les bou­chons vers 8h30.

Pour mémoire, Claude Askolovitch est ce jour­nal­iste qui, au moment de l’affaire Meh­di Meklat, con­sid­érait qu’il y avait beau­coup d’exagération à s’en pren­dre à un jeune homme et jour­nal­iste issu de la diver­sité twit­tant à tort et à tra­vers des insultes et appels anti­sémites. Il prit d’ailleurs la défense du jeune trublion anti­sémite des ban­lieues sur Twit­ter en ces ter­mes : « Un gamin qui twee­t­ait des blagues Nazes pour tester sa pro­vo est moins immonde que ceux qui utilisent ses con­ner­ies passées ». Un tweet qui résume toute l’idéologie d’Asko, lequel voit le dan­ger extrémiste partout sauf quand il l’a sous les yeux.

Journaliste ? Un peu. Militant ? À 100 %

Cette car­ac­téris­tique est juste­ment ce qui se développe dans sa revue de presse sur France Inter. Par­fois surnom­mé « le jus­tici­er du PAF », Claude Askolovitch pra­tique un jour­nal­isme qui ne se préoc­cupe des faits qu’aux fins d’opinion – et de défense d’opinions toutes per­son­nelles. Rien de bien neuf, la pra­tique est même nor­male : cela s’appelle un « édi­to­r­i­al ». Ain­si, la Mati­nale de France Inter pro­pose-t-elle depuis de longues années des édi­to­ri­aux, comme l’édito poli­tique de Thomas Legrand. En soi, la pra­tique de l’éditorial n’est pas cri­ti­quable. Elle per­met sou­vent d’éclairer des faits de manière dif­férente. Tout au plus pour­rait-on regret­ter que sur France Inter cet éclairage dif­férent soit tou­jours lumière de gauche caviar.

Mais c’est chipot­er : per­son­ne ne croit plus que la radio publique est ouverte à la diver­sité idéologique. Du coup, le jour­nal­iste mil­i­tant Claude Askolovitch trou­ve tout naturelle­ment de quoi faire son nid dans les stu­dios de Radio France. La voix et la plume de Claude vien­nent ain­si tran­quille­ment chaque jour, matin et soir, à nos oreilles et sous nos yeux. Cela s’appelle le plu­ral­isme de la presse. Sauf qu’Asko est payé pour don­ner une « revue de presse », exer­ci­ce plutôt neu­tre, à ses audi­teurs — et non un « édi­to­r­i­al ». Il est alors sur­prenant, voire choquant, d’entendre le jour­nal­iste utilis­er chaque matin cette « revue de presse » à des fins de dif­fu­sion de ses pro­pres idées poli­tiques. France Inter et sa Mati­nale ne sont-ils pas la radio de tous les Français ?

Ce Matin brun qu’Asko nous envoie dans les oreilles quand même….

Pour Claude Askolovitch, nous ne sommes pas vrai­ment en 2017. Plutôt égarés dans les années 30 du siè­cle passé. Ce qui peut sem­bler étrange à nom­bre d’auditeurs, s’attendant à écouter une « revue de presse » évo­quant les événe­ments du jour. Bien sûr, Asko par­le de ce que dis­ent les médias au sujet des dits événe­ments. Du moins en apparence, en réal­ité, le jour­nal­iste utilise la parole des médias ain­si que les événe­ments dont ces derniers par­lent à des fins per­son­nelles. S’il créait sa petite entre­prise, ce ne serait en rien choquant. Là, l’opération est financée par l’argent des citoyens et con­tribuables. Un exem­ple ? Le 25 sep­tem­bre 2017, la « revue de presse » évoque les élec­tions alle­man­des, et donc la per­cée de l’AfD. Étrange­ment, Claude Askolovitch ne com­mence pas par cette vic­toire mais par ce que Le Figaro dit de Jens Spahn, l’un des secré­taires d’État de Merkel et son prob­a­ble « suc­cesseur ». Asko a eu de la chance en ce 25 sep­tem­bre, Le Figaro lui offrant un obscur min­istre qui serait islam­o­phobe. Pire : c’est celui qui « est opposé à Merkel sur la ques­tion des migrants ». Islam­o­phobe, donc, dans l’esprit d’Asko. Mais aus­si xéno­phobe, dans la même tête.

Dans le « jour­nal­isme » d’Asklovitch toute pen­sée cri­tique au sujet de l’Islam ou des migra­tions, toute pen­sée autre, est par nature pen­sée de droite rad­i­cale. C’est le sens de la revue de presse de ce matin-là. L’heure est grave : « Spahn cri­tique l’hégémonie de la gauche et vante les ver­tus d’un hypothé­tique min­istère de la patrie, Heimat en alle­mand ». L’auditeur voit très bien les uni­formes noirs se dirigeant de nou­veau vers la Tour Eif­fel. Il com­prend aus­si sans peine ce que Claude Askolovitch veut dire : que le dan­ger nation­al­iste et raciste, si prég­nant en France, se développe même en Alle­magne, et même au sein du par­ti de madame Merkel. Le matin brun est aux portes de l’Europe, et « le jus­tici­er du PAF » enfourche son destri­er : Le Figaro ferait le jeu de l’extrême droite en traçant le por­trait d’un jeune min­istre favor­able « à une direc­tion iden­ti­taire au moment où l’extrême droite pro­gresse ». Com­plic­ité de toutes les droites. Pour Asko la « fachos­phère » com­mence dès que le mot « droite » est pronon­cé. Asko enchaîne évidem­ment sur l’AfD et son « obses­sion » anti-migrants. Il n’oublie pas de saluer Libéra­tion qui ce même jour donne la parole à un célèbre avo­cat con­fon­dant pour­tant pro­tec­tion de la pop­u­la­tion par la lég­is­la­tion et « loi des sus­pects ». Les ter­ror­istes ne seraient pas ceux que l’on croit, l’auditeur devine que le jour­nal­iste n’a pas mis les pieds au Bat­a­clan depuis longtemps.

Pourtant, le terrorisme véritable s’invite dans le studio

Le 2 octo­bre 2017, une « actu­al­ité tis­sée de sang, le sang de Mar­seille ». Plus le procès Mer­ah. L’essentiel de la par­tie de la « revue de presse » con­sacrée à ce vrai matin brun là, celui du ter­ror­isme islamiste, l’est à l’attentat de Mer­ah et à ses vic­times. Enfants de l’école visée et sol­dat musul­man assas­s­iné. Claude Askolovitch indique par ce biais que les par­ents du mal­heureux sol­dat vien­dront « témoign­er de l’Islam pais­i­ble au procès ». Une façon de ne pas oubli­er, vers 8h30, d’indiquer où sont les enne­mis véri­ta­bles, par exem­ple ces islam­o­phobes qui met­traient de l’huile sur le feu. D’ailleurs, il n’y a pas procès autour de l’Islam, parvient à plac­er Asko, mais « procès du salafisme ». Le jour­nal­iste a lu cela dans La Dépêche et cela tombe bien. Suit l’attentat de Mar­seille. Askolovitch est choqué (à juste titre) que la vie reprenne son fil à peine les deux jeunes femmes tuées, que la presse par­le de foot­ball ou des trains en retard. Mais nous n’apprendrons rien sur le plus impor­tant, de la bouche du chroniqueur qui parvient, au sujet de l’attentat islamiste de Mar­seille, à ne jamais pronon­cer l’un de ces mots : Islam, islamisme. Par con­tre, il ponctue ses pro­pos avec le mot « résis­ter », à la Une de La Provence du jour, « résis­ter à la peur, résis­ter à la polémique ».

La peur ? La polémique ? Un min­istre alle­mand ? Merkel ? L’AfD ? Le retour du nazisme ? Tout cela, Asko le voit ou pense le voir — dans sa « revue de presse » idéologique. Mais l’Islam et l’islamisme comme rai­son pour laque­lle un ter­ror­iste sort un couteau et égorge des gens inno­cents, il ne les voit pas, n’en par­le pas… Alors France Inter, à quand une revue de presse ? Une vraie revue de presse ?