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Une autre information : naissance de TV Libertés

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17 février 2014

Temps de lecture : 7 minutes
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Une autre information : naissance de TV Libertés

Temps de lecture : 7 minutes

C’est le dernier-né des médias alternatifs, qui connaissent actuellement un joli printemps, portés sans nul doute par l’idéologie autiste et méprisante du gouvernement en place et par la suspicion généralisée dont souffre de plus en plus les médias « officiels » : TV Libertés a commencé d’émettre le 30 janvier dernier à 19h.

La web-télé, qui dif­fuse à par­tir de son site, tvl.fr, vient combler un manque dans la sphère de la droite non-alignée : elle se pose comme un équiv­a­lent de Radio Cour­toisie, quoique dans les méth­odes elle dif­fère quelque peu, comme l’explique le prési­dent de la chaîne, Philippe Milliau :

« À la dif­férence de Radio Cour­toisie qui affiche le refus de toute pub­lic­ité, ou de la pronon­ci­a­tion de tout mot autre que français, nous ne nous inter­dis­ons rien. Nous envis­ageons à terme de tra­vailler avec de mul­ti­ples parte­naires, soit qu’ils enten­dent faire leur pro­pre pro­mo­tion sur la chaîne, soit qu’ils paient de la pub­lic­ité au sens clas­sique, soit encore que cela prenne la forme de téléachat. »

Ils ne s’interdisent rien, vrai­ment rien ? « Si, bien enten­du, cor­rige Philippe Mil­li­au, nous n’accepterons jamais, si tant est qu’ils venaient nous sol­liciter, de pub­lic­ité pour Coca-Cola ou pour les firmes du Qatar… Mais tout ce qui est com­pat­i­ble avec notre ligne, sous une forme rédac­tion­nelle ou de pub­lic­ité directe, sera accep­té ».

Contre-offensive médiatique

Cette ligne, quelle est-elle, juste­ment ? L’idée était dans l’air depuis longtemps : met­tre en place une con­tre-offen­sive médi­a­tique dans un con­texte de pou­voir où tout le monde est de même obé­di­ence, « où les vues sont nor­mées », et ne lais­sent aucune place aux autres. TV Lib­ertés est, comme on dit dans ce milieu, dans une optique de réinformation.

Il y a au moins deux ans que l’idée était dans l’air. A l’origine, le pro­jet, mené avec Gilles Arnaud, « un ami de longue date » selon Philippe Mil­li­au, s’appelait Notre Antenne. Mais entretemps, Gilles Arnaud a pris la direc­tion de ProRussia.tv, un site d’information qui pro­duit un jour­nal heb­do­madaire financé par la radio gou­verne­men­tale russe La Voix de la Russie. Mil­li­au tient à écarter cer­taines rumeurs : il n’y a aucune ani­mosité ni entre les deux per­son­nages, ni entre les deux chaîne :

« Il s’agit sim­ple­ment d’une répar­ti­tion des choses, nous ne sommes pas du tout fâchés. Il y a une cohérence entre les deux pro­jets, l’un étant de col­lab­o­ra­tion avec les Russ­es, l’autre indépen­dant et pure­ment français. »

Il recon­naît pour­tant que dans la pre­mière phase de con­struc­tion de TV Lib­ertés, ils ont songé à s’installer dans les mêmes stu­dios. Mais, sem­ble-t-il, d’une part les Russ­es ne voulaient pas qu’il y ait deux équipes dans le même stu­dio, et d’autre part, cer­tains col­lab­o­ra­teurs de TV Lib­ertés ne souhaitaient pas être liés aux Russ­es : « Pour ne pas ajouter à la dif­fi­culté intrin­sèque de la réin­for­ma­tion, les pris­es de posi­tion prorusse », selon Mil­li­au. Finale­ment il a été estimé des deux côtés que les pro­jets devaient se dévelop­per de manière séparée mais non antag­o­niste : ain­si, Philippe Mil­li­au a don­né récem­ment à Moscou une inter­view au nom de TV Lib­ertés. « Dans l’autre sens non plus, nous ne nous priverons pas de men­er des entre­tiens avec des con­tribu­teurs de La Voix de la Russie, dit-il. Mais, quoiqu’il en soit, nous ne sommes pas inféodés à qui que ce soit ».

Une vingtaine de salariés

Une ques­tion qui revient de manière lanci­nante au sujet de cette nou­velle chaîne touche à son mode de finance­ment. « C’est très sim­ple, rétorque son prési­dent : du côté de Pro Rus­sia, il s’agit d’un con­trat de presta­tion avec les Russ­es. Pour nous, à TV Lib­ertés, il s’agit sim­ple­ment de dona­teurs du monde entier, mais surtout français évidem­ment ».

Un finance­ment unique­ment avec des dons, est-ce pos­si­ble ? Oui, comme c’est le cas pour Radio Cour­toisie ou KTO, affirme-t-on du côté de la chaîne, qui répugne cepen­dant à com­mu­ni­quer pré­cisé­ment sur les chiffres. Philippe Mil­li­au glisse cepen­dant : « Nous ten­dons à un bud­get en équili­bre en fin d’année, con­sti­tué de 100 000 euros en dépense et de 120 000 euros en ressources ». Tout en con­ser­vant un statut d’association loi 1901, la chaîne assume aujourd’hui une ving­taine de salariés, à temps par­tiel ou à temps plein, « mal rémunérés mais rémunérés », selon Mil­li­au. Où l’on s’éloigne encore d’un mod­èle à la Radio Cour­toisie, con­sti­tué qua­si­ment unique­ment de bénévole.

Cette pro­fes­sion­nal­i­sa­tion de la chaîne est par­faite­ment assumée, et ce ne sont pas les quelques couacs incon­tourn­ables du com­mence­ment qui découra­gent ses dirigeants. Au con­traire, c’était prévu : « Nous sommes en phase de test et d’essai sur le plan tech­nique : tout sera réglé dans les deux ou trois mois. » Pour l’instant, seul le jour­nal quo­ti­di­en de 19h, présen­té par Élise Blaise et Olivi­er Frère­jacques, deux débu­tants, fonc­tionne véritablement.

300 000 spectateurs au bout de dix jours…

Les autres émis­sions, six ou sept déjà prévues, cul­turelles, his­toriques, économiques ou poli­tiques, qui vien­dront se sura­jouter, sont encore à l’essai. Cette phase prélim­i­naire de test devrait se ter­min­er avec l’arrivée de la star Robert Ménard, après les munic­i­pales (il est can­di­dat à la Mairie de Béziers). En atten­dant, dans les imposants stu­dios du Krem­lin-Bicêtre (Val de Marne) – d’une capac­ité glob­ale de 750 m2, dont seuls 400m2 sont loués pour le moment – la petite nou­velle du web pavoise : les chiffres des pre­mières journées sont encour­ageants, entre 30 et 50 000 spec­ta­teurs du JT chaque soir, pour une audi­ence cumulée de 300 000 au bout de dix jours. « Notre objec­tif est de capter dix fois plus de spec­ta­teurs d’ici la fin de l’année, pré­cise le prési­dent, mais c’est plus que sat­is­faisant pour un démar­rage. D’autant plus que nous avons fait rel­a­tive­ment peu de pro­mo­tion, jusqu’ici. Délibéré­ment d’ailleurs, parce que le con­cept n’est pas encore rodé, nous ne sommes pas inter­venus sur les réseaux soci­aux. Mais c’est pour bien­tôt. »

Les projets

Au menu des prochains mois, « I‑media », une émis­sion de décryptage des médias dont le pilote a déjà été dif­fusé, menée par Jean-Yves Le Gal­lou, de la Fon­da­tion Polemia, et l’un des ini­ti­a­teurs du pro­jet de la web-télé. Ou encore « Per­les de cul­ture », con­sacrée à l’actualité de la lit­téra­ture, du ciné­ma et des beaux-arts, sous la houlette d’Anne Bras­sié, dont le pilote est aus­si vis­i­ble. « Passé-présent » encore, ani­mée par l’historien Philippe Con­rad, égale­ment con­sultable dans sa pre­mière mou­ture sur le site de la chaîne. Sont égale­ment annon­cées des émis­sions avec Gabrielle Cluzel, jour­nal­iste, ou Paul-Marie Coûteaux, qui se réserve lui aus­si pour l’après-municipales. Comme on le voit, une très forte pro­por­tion d’animateurs d’émissions de Radio Cour­toisie sont rem­ployés sur TV Lib­ertés. Ain­si d’Arnaud Guy­ot-Jean­nin, qui compte présen­ter une émis­sion men­su­elle sur le ciné­ma, inti­t­ulée « Nos chers vivants ». La pre­mière sera con­sacrée à Mau­rice Ronet, avec Dominique Bor­de – ancien jour­nal­iste du Figaro, Alfred Eibel de Valeurs Actuelles et Jean-Pierre Mon­tal, auteur d’une belle biogra­phie de l’acteur du Feu fol­let. Guy­ot-Jean­nin loue le pro­fes­sion­nal­isme de la chaîne : préen­reg­istrée l’après-midi dans les con­di­tions du direct, son émis­sion d’un for­mat de 52 mn doit être dif­fusée le soir, si le résul­tat tech­nique est concluant.

Man­i­feste­ment, la web-télé, au for­mat par­faite­ment adap­té aux nou­velles dis­po­si­tions du pub­lic, se pré­pare un bel avenir.