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Radio Courtoisie : la fronde contre Henry de Lesquen

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21 juin 2016

Temps de lecture : 5 minutes
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Radio Courtoisie : la fronde contre Henry de Lesquen

Temps de lecture : 5 minutes

Depuis trois mois, Henry de Lesquen, président de Radio Courtoisie, s’est déclaré candidat à la présidentielle de 2017. En roue libre, il multiplie jour après jour les déclarations choc. Agacés et inquiets pour l’avenir de leur radio, des producteurs d’émissions de RC sont récemment sortis du silence pour réclamer le départ de celui qui compromet aujourd’hui l’image de la station… après avoir déjà compromis son indépendance.

Dans une let­tre ouverte pub­liée sur le site du Salon Beige, dif­férents patrons d’émis­sions ont fait part de leur ras-le-bol. « Les déc­la­ra­tions publiques insup­port­a­bles de son prési­dent Hen­ry de Lesquen, se présen­tant comme can­di­dat à l’élec­tion prési­den­tielle, entraî­nent dans l’opin­ion une con­fu­sion que nous ne pou­vons plus tolér­er », expliquent-ils. Il faut dire que depuis plusieurs semaines, M. de Lesquen n’y va pas de main morte, citant tan­tôt l’in­ter­dic­tion de la « musique nègre », tan­tôt les bien­faits de l’esclavage ou encore émet­tant des doutes sur les con­di­tions de traite­ment dans les camps nazis. Ces posi­tions publiques, les sig­nataires ne peu­vent « plus les cau­tion­ner » car elles auront, inévitable­ment, des « con­séquences désas­treuses pour la radio ».

Ces derniers deman­dent ain­si « instam­ment à Hen­ry de Lesquen de réu­nir au plus vite les pro­duc­teurs d’émis­sion et de se démet­tre de ses fonc­tions de prési­dent de la radio. Faute de quoi, nous nous ver­rions con­traints de sus­pendre (…) toute col­lab­o­ra­tion avec cette radio ». Deux jours plus tard, Paul-Marie Coûteaux, qui ani­me une émis­sion sur Radio Cour­toisie, pre­nait la parole sur Boule­vard Voltaire pour dress­er la liste des con­séquences de ce « sab­o­tage » : « des audi­teurs choqués ne paient plus leur coti­sa­tion, des pro­duc­teurs démis­sion­nent, des invités se dérobent (…), tan­dis que pleu­vent plaintes et instruc­tions judiciaires. »

Excédé, ce dernier rap­pelle la demande for­mulée par douze pro­duc­teurs d’émis­sions sur le Salon Beige, à savoir que M. de Lesquen quitte ses fonc­tions au plus vite pour men­er sa cam­pagne comme il l’en­tend. En guise de réponse, le patron de Radio Cour­toisie s’est con­tenté de démet­tre Paul-Marie Coûteaux de ses fonc­tions. « Vous ne faites plus par­tie de Radio Cour­toisie », lui assène-t-il dans un cour­ri­er d’ex­clu­sion.

Le lende­main, c’est un audi­teur qui pub­li­ait, tou­jours sur Boule­vard Voltaire, une let­tre ouverte à l’at­ten­tion d’Hen­ry de Lesquen. « Non seule­ment vous exposez notre radio à des procès sans fin et vous don­nez, donc, à nos adver­saires les armes pour nous abat­tre, mais vous piétinez notre respect de la per­son­ne humaine », s’a­gaçait-il. Et celui-ci de deman­der à nou­veau que le prési­dent de la radio se place « en retrait de la prési­dence au prof­it de l’un des actuels patrons d’émission ou d’une per­son­ne qual­i­fiée ». « Si vous n’entendiez pas notre demande, nous seri­ons au regret de sus­pendre nos coti­sa­tions », con­clu­ait-il. Sans aucun doute, cette can­di­da­ture aura été la goutte d’eau qui a fait débor­der le vase.

Les racines du mal

Radio Cour­toisie a une longue his­toire. Fondée en 1986 par Jean Fer­ré « avec pour objec­tifs d’être la radio de la fran­coph­o­nie, ouverte à tous les tal­ents et œuvrant à l’u­nion des droites », celle-ci a tou­jours été pater­nelle­ment admin­istrée par son créa­teur, ce dernier lais­sant aux pro­duc­teurs d’émis­sions une totale indépen­dance. Jean Fer­ré était alors sim­ple­ment le prési­dent du comité édi­to­r­i­al. Le con­seil d’ad­min­is­tra­tion de l’as­so­ci­a­tion déten­trice de l’au­tori­sa­tion d’émet­tre exis­tait bel et bien, mais il ne s’é­tait jamais réuni.

Les choses sont restées ain­si jusqu’en 2006. Très malade, Jean Fer­ré désigne alors Hen­ry de Lesquen, tout fraîche­ment arrivé dans les rangs de la radio, comme son suc­cesseur. Immé­di­ate­ment, celui-ci va pren­dre pos­ses­sion du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion et plac­er les directeurs d’émis­sions « sous son autorité ». « Il s’agissait d’une com­plète rup­ture avec la façon dont la radio avait été dirigée par Jean Fer­ré pen­dant 19 ans », expli­quait Claude Reich­man en 2006. Et de pour­suiv­re : « Voilà qu’un con­seil d’administration com­posé de per­son­nes incon­nues des audi­teurs et ne com­prenant qu’un seul directeur d’émission, M. de Lesquen, récem­ment arrivé à la radio, s’arrogeait le droit de plac­er “sous son autorité” plusieurs dizaines de directeurs d’émission, très con­nus et appré­ciés des audi­teurs et dont beau­coup étaient là depuis 15 à 19 ans ! »

Le 12 novem­bre 2006, qua­tre jours après sa « prise de pou­voir », Hen­ry de Lesquen, entouré de gardes du corps, « ne don­nait la parole qu’à ceux des patrons d’émission qui avaient son agré­ment et la refu­sait aux autres, dont il sup­po­sait qu’ils pou­vaient n’être pas d’accord avec ses méth­odes ». Inter­loqué, Claude Reich­man pre­nait alors l’ini­tia­tive d’en informer les audi­teurs à l’an­tenne, ce qui lui a aus­sitôt coûté sa place. « Je me suis con­tenté de dénon­cer les intolérables vio­la­tions de la let­tre et de l’esprit de Radio Cour­toisie, ain­si que de la lib­erté de l’information, dont ils se sont ren­dus coupables », expli­quait-il à l’époque dans une let­tre ouverte.

Aujour­d’hui, le scé­nario sem­ble se répéter avec l’évic­tion de Paul-Marie Coûteaux faisant suite à sa prise de posi­tion, pour­tant large­ment partagée par ses con­frères. Depuis sa can­di­da­ture fan­toche à la prési­den­tielle, M. de Lesquen place la radio dans un isole­ment crois­sant. Par ses déc­la­ra­tions dou­teuses tout d’abord, par ses insultes à l’at­ten­tion de cer­tains anciens invités récur­rents, comme Alain de Benoist, ou encore par ses méth­odes bru­tales (le ren­voi de Mar­tial Bild, directeur de la rédac­tion de TV Lib­ertés, en est un exem­ple récent).

Avec la fronde de douze de ses patrons d’émis­sions et les protes­ta­tions des audi­teurs, l’is­sue de ce con­flit sera sans doute fatale. Reste à savoir si elle le sera pour M. de Lesquen ou pour Radio Cour­toisie