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Quand Zone Interdite organise l’arrivée de clandestins pour un reportage

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26 novembre 2013

Temps de lecture : 3 minutes
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Quand Zone Interdite organise l’arrivée de clandestins pour un reportage

Temps de lecture : 3 minutes

Après Libération qui paie 50 euros au père de Léonarda pour interroger la jeune fille, M6 est allé plus loin. Beaucoup plus loin.

Pour le tour­nage d’un reportage sur le périple de migrants africains tran­si­tant vers Lampe­dusa, les jour­nal­istes de l’émission « Zone inter­dite » sont entrés en con­tact avec trois Libyens en les pous­sant à faire le voy­age. C’est en tous cas ce qu’affirme une enquête menée par Téléra­ma, qui accuse claire­ment la pro­duc­tion d’avoir promis monts et mer­veilles à ces gens pour les besoins d’un reportage, d’avoir payé leur trans­port illé­gal jusqu’en France puis de les avoir aban­don­nés à leur sort.

Selon Téléra­ma, les jour­nal­istes sont allés chercher trois sud-libyens orig­i­naires d’Afrique de l’Ouest. Bien implan­tés et à la sit­u­a­tion sta­ble, Joseph, Émile et Élie ont cru aux belles promess­es qui leur ont été faites. D’ordinaire, il est dif­fi­cile et cou­teux de se lancer dans cette aven­ture mais avec des jour­nal­istes, c’est dif­férent. « On a tout aban­don­né parce qu’ils nous ont promis des papiers, du tra­vail, un loge­ment en France », explique le trio. Et d’ajouter : « Ils nous ont dit que le pro­duc­teur avait le bras long. Et qu’O­livi­er, ancien de la Légion, nous aiderait à y entrer… »

Selon les jour­nal­istes de Téléra­ma, leur bil­let de train de l’Italie à la France a été payé par la pro­duc­tion, chose non seule­ment con­traire à toute déon­tologique mais illé­gale, et pour­tant assumée dans le reportage… « Ne pas don­ner de fric, c’é­tait l’or­dre de départ. Mais en Ital­ie on n’al­lait pas les laiss­er crev­er. Camille a appelé, j’ai dit on paie. J’as­sume », a expliqué le pro­duc­teur, Tony Comi­ti. Cepen­dant, les trois Africains ne sont pas de cet avis. Selon eux, l’émission a entière­ment financé le voy­age pour le ren­dre plus facile et donc, plus adap­té à la durée de tournage.

Une fois arrivés en France dans la plus grande pré­car­ité, l’une des jour­nal­istes, Camille, les ramène cru­elle­ment à la réal­ité : « Ce n’est pas moi qui vous ai promis le par­adis. Qu’est-ce que je peux faire pour vous de plus que ce que j’ai déjà fait ? Je n’ai ni argent, ni loge­ment, ni influ­ence, et une tonne de tra­vail sur les bras […]. Surtout que j’ai com­plète­ment troué mon compte en banque pour votre voyage. » 

Devant cet état de fait, la pro­duc­tion aurait même ten­té d’acheter leur silence. « 5000 à 7000 euros » pour se taire, assurent les trois hommes. Sur Europe 1, Tomy Comi­ti, le pro­duc­teur, réfute en bloc ces accu­sa­tions. « C’est de la diffama­tion pure ! », a‑t-il déclaré au micro de Jean-Marc Moran­di­ni. Mais Téléra­ma main­tient. « Nous main­tenons d’au­tant plus ces affir­ma­tions que avons écouté l’en­reg­istrement sonore de cette con­ver­sa­tion », écrit le journal.

Au final, les trois clan­des­tins ont décidé de dépos­er plainte con­tre X pour « aide […] à l’en­trée et au séjour irréguli­er, soumis­sion à des con­di­tions de tra­vail et d’héberge­ment con­traires à la dig­nité humaine, risques causés à autrui, omis­sion de porter sec­ours et escro­querie ». Une procé­dure rare de la part de clan­des­tins, mais qui souligne, selon Téléra­ma, leur déter­mi­na­tion à vouloir que jus­tice leur soit ren­due. « C’é­tait un reportage pour les uns. La vie pour les autres », con­clut Téléra­ma.