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Plus jamais ça : quand Nord Littoral pratique la délation…

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9 novembre 2015

Temps de lecture : 3 minutes
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Plus jamais ça : quand Nord Littoral pratique la délation…

Temps de lecture : 3 minutes

Pour lutter contre le « déferlement de propos haineux et discriminants » sur Facebook, le journal Nord Littoral a décidé de dresser une liste « de la honte » en donnant l’identité des internautes coupables de ces excès.

C’est dans l’op­tique de soutenir la démarche « apoli­tique » de Brigitte Bour­guignon, député social­iste du Pas-de-Calais, qui a lancé une péti­tion pour inciter Face­book à sévir, que le quo­ti­di­en région­al, déjà habitué à l’at­taque frontale de con­frères, s’est livré à ces pra­tiques douteuses.

Car « être Char­lie ne sig­ni­fie pas pou­voir être raciste, anti­sémite, haineux, appel­er au meurtre », estime le jour­nal. Ain­si, con­statant que sur sa page Face­book « les com­men­taires sur le sujet de l’immigration offrent un ramas­sis de pro­pos inqual­i­fi­ables », Nord Lit­toral s’est engagé à sig­naler « tous les pro­pos répréhen­si­bles du point de vue de la jus­tice. Pour le bien de tous, par respect. »

Emboî­tant le pas au quo­ti­di­en alle­mand Bild, qui avait fait de même, le titre nordiste dresse un « mur de la honte » en citant des com­men­taires tels que « pourquoi ne pas con­stru­ire un camp de con­cen­tra­tion, on sera tran­quille », « il suf­fit de leur rouler dessus, au bout d’une dizaine, ils se calmeront » ou encore « les camion­neurs devraient être armés et ne pas hésiter à tir­er », en prenant soin de dif­fuser en par­al­lèle les nom et prénom des util­isa­teurs concernés.

Pour se jus­ti­fi­er, Nord Lit­toral pré­cise qu’il n’est « pas pro-migrants » et qu’il « ne cen­sur­era jamais les inter­nautes » qui dis­ent qu’ils ne veu­lent pas des migrants dans leur ville. Pour­tant, cette liste noire qui extrait des com­men­taires de la masse pour les met­tre en lumière ne peut qu’interpeller.

Plutôt que de s’in­ter­roger sur la vio­lence, tout aus­si réelle, qui con­siste à impos­er des mil­liers de clan­des­tins à des villes et vil­lages français, Nord Lit­toral a choisi de se con­cen­tr­er unique­ment sur les réac­tions à celle-ci. Certes, les pro­pos de ces inter­nautes sont exces­sifs et tombent sous le coup de la loi mais il n’empêche que les dénon­cer publique­ment s’apparente à de la déla­tion, une pra­tique que l’on croy­ait réservée aux temps de guerre et d’occupation…

Et puisque l’on par­le d’excès, n’est-il pas exces­sif et morale­ment con­damnable d’im­pos­er des cen­taines de « réfugiés » à des vil­lages ruraux ? N’est-il pas exces­sif de trans­former Calais en plus grand bidonville d’Eu­rope ? N’est-il pas exces­sif de loger ces migrants par mil­liers, tous frais payés, quand de nom­breux Français dor­ment dehors ?

Entre la vio­lence de la poli­tique du gou­verne­ment et la vio­lence des réac­tions qu’elle génère, Nord Lit­toral sem­ble avoir choisi son camp, allant jusqu’à pass­er par la déla­tion pour affirmer son engage­ment. L’e­sprit Char­lie, c’é­tait juste pour la photo.

Voir également notre dossier : Calais, le peuple en angle mort

Pho­to : “Boc­ca di leone”, ou “bouche de dénon­ci­a­tion” à Venise. Crédit : Patri­cia Hofmeester / Shutterstock.com