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Limite : naissance d’une revue qui fait bouger les lignes

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8 septembre 2015

Temps de lecture : 5 minutes
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Limite : naissance d’une revue qui fait bouger les lignes

Temps de lecture : 5 minutes

Dans le ron­ron­nement ordi­naire des idées et les cli­vages dépassés aux­quels on s’accroche par habi­tude, la nou­velle revue Lim­ite fait l’effet d’un coup de ton­nerre, et signe l’arrivée dans l’arène intel­lectuelle d’une généra­tion prête à en découdre avec la fuite en avant économique et l’espoir de salut par la tech­nolo­gie. Il y a de la fraîcheur et de l’insolence dans cette petite bande réu­nie, entre autres, autour d’Eugénie Bastié, Gaulti­er Bès, Mar­i­anne Dura­no, et de son directeur Paul Pic­car­reta, ancien rédac­teur de Causeur, qui entend être « anar­chiste con­tre les puis­sances d’argent », « blas­phé­ma­teur con­tre toutes les idol­es », « bio­con­ser­va­teur con­tre les tran­shu­man­istes » et pro­fesse con­tre la démesure con­tem­po­raine un antilibéral­isme décom­plexé et une écolo­gie rad­i­cale. Téle­sco­page inédit de Jean-Claude Michéa avec l’encyclique éco­lo Lauda­to Si du pape François, cette « revue de com­bat cul­turel et poli­tique d’inspiration chré­ti­enne » part du principe que « tout est lié », les OGM et la GPA, l’homme aug­men­té et le nucléaire, les robots et Notre-Dame des Lan­des… et que c’est une réponse glob­ale qu’il faut apporter à ce monde devenu fou, en passe de se détru­ire. L’écologie de Lim­ite est donc autant envi­ron­nemen­tale que sociale, éthique et poli­tique et la décrois­sance matérielle que la revue pré­conise ne peut s’accompagner que d’un renou­veau spir­ituel rad­i­cal fait de mesure et de sobriété. C’est l’esprit retrou­vé de l’Apollon de Delphes, dont la devise, « Rien de trop », pour­rait être la leur. Et si ce goût retrou­vé pour la Lim­ite était la véri­ta­ble bonne nou­velle du temps présent ?

L’Ojim a posé trois questions à Paul Piccarreta, directeur de Limite :

Pourquoi Limite ?

Con­cer­nant la cri­tique du cap­i­tal­isme, ce qui me frappe depuis plusieurs années, c’est qu’il y a plusieurs « fronts » qui ne se par­lent pas. La Manif pour Tous s’oppose à la GPA et à la manip­u­la­tion du vivant d’un côté ; les « éco­los » s’opposent à la con­struc­tion de l’aéroport de Notre-Dame des Lan­des ou au nucléaire de l’autre mais ces deux con­tes­ta­tions ne réalisent pas qu’elles lut­tent con­tre le même enne­mi : la fuite en avant tech­nologique et sa volon­té de façon­ner le monde selon le seul et unique critère de l’économie avec cette idée qui dans cer­tains milieux fait désor­mais fig­ure d’évidence : ce qui est bon pour l’économie est néces­saire­ment bon pour l’homme. Nous sommes un petit groupe à réfléchir à cette ques­tion depuis longtemps. En créant la revue Lim­ite, nous pré­ten­dons reli­er ces deux con­tes­ta­tions, faire en sorte qu’elles puis­sent se par­ler, se nour­rir l’une de l’autre, qu’elles pren­nent con­science de la pro­fonde unité de leur analyse. C’est, je crois, une démarche intel­lectuelle assez originale.

Relier une contestation de gauche et une contestation de droite, n’est-ce pas prendre le risque de fâcher et la gauche et la droite ?

Si, bien sûr ! Nos posi­tions sociales, et notam­ment notre défense de la classe ouvrière, vont prob­a­ble­ment inter­loquer les mil­i­tants de la manif pour Tous ; notre spir­i­tu­al­ité chré­ti­enne indis­posera vraisem­blable­ment les écol­o­gistes matéri­al­istes, sans par­ler de la droite libérale, nationale-libérale ou nation­al­iste qui ne se retrou­vera évidem­ment pas dans nos analy­ses… Mais notre pari, c’est que ces vieux cli­vages ont vécu. Ils n’existent plus désor­mais qu’à cause d’une cer­taine paresse de l’analyse ou sim­ple­ment par la force de l’habitude. Je suis con­va­in­cu qu’ils vont bien­tôt dis­paraître pour être rem­placés par d’autres cli­vages autrement fon­da­men­taux tels ceux qui opposent les libéraux aux antilibéraux ou les « bio-con­ser­va­teurs » aux tran­shu­man­istes. La prochaine grande révo­lu­tion nous promet un quo­ti­di­en de robots. Ces derniers ne seront ni de gauche ni de droite, vous pou­vez me croire !

Limite est-elle une affaire de génération ? Quelles influences vous reconnaissez-vous ?

Il y a cer­taine­ment une ques­tion généra­tionnelle dans cette manière trans-par­ti­sane d’aborder l’écologie inté­grale et dans cette urgence de vouloir sauver ce qui peut encore l’être. La moyenne d’âge des rédac­teurs de la revue est de 25 ans et ces rédac­teurs ne se recon­nais­sent plus en effet dans ces vieux cli­vages suran­nés qu’ils veu­lent con­tribuer à remod­el­er. Ils ont cette lib­erté intel­lectuelle de faire leur miel de pen­sées éti­quetées à droite ou à gauche en ver­tu d’une cohérence qui se situe ailleurs, à un niveau plus fondamental.

Quant aux références, elles sont nom­breuses. Citons Jacques Ellul, Bernard Char­bon­neau ou Gün­ther Anders, les philosophes de gauche anti­to­tal­i­taires comme Orwell ou Simone Weil. Mais aus­si Jean-Claude Michéa, et nos deux proches amis Fab­rice Had­jadj (notre par­rain) et Olivi­er Rey. Nous sommes aus­si proches du groupe Pièces et mains d’œuvres (PMO), situé à Greno­ble, œuvrant con­tre le tech­no­cap­i­tal­isme. Et nous lisons aus­si bien Fakir (le jour­nal picard de François Ruf­fin défen­dant la cause ouvrière) que La Décrois­sance de Vin­cent Cheynet. Il y a égale­ment tout le courant du chris­tian­isme social, de Madeleine Del­brêl jusqu’au pape François…