Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Les rédactions du Parisien en révolte contre la « terreur »

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

11 février 2014

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Les rédactions du Parisien en révolte contre la « terreur »

Les rédactions du Parisien en révolte contre la « terreur »

Temps de lecture : 4 minutes

Rien ne va plus au sein de la rédaction du Parisien/Aujourd’hui en France. Depuis l’arrivée de Thierry Borsa à la tête des rédactions du journal en 2010, les journalistes dénoncent un « climat de terreur » qui vient de s’amplifier avec le licenciement d’un journaliste respecté.

Le 6 févri­er dernier en effet, le numéro 2 du ser­vice « éco » du Parisien, Marc Lomazzi, était con­vo­qué dans le bureau de la direc­tion. « On l’a vu par­tir tran­quille vers le bureau et revenir décom­posé : il venait d’ap­pren­dre qu’il était viré ! On était tous stupé­faits, autant que lui. Il n’y avait eu aucun signe avant-coureur, aucun aver­tisse­ment », racon­te un de ses con­frères. Alors qu’il n’avait com­mis aucune faute, que ses com­pé­tences n’étaient pas en cause, l’homme de 51 ans, « bosseur » très appré­cié par ses col­lègues, s’est donc vu subite­ment sig­nifié son licenciement.

Inter­rogé par la rédac­tion, Thier­ry Bor­sa, directeur jugé « glacial » et que « per­son­ne n’ose con­tredire », a évo­qué une « rup­ture de con­fi­ance ». Ce dernier a estimé que Marc Lomazzi « ramait à con­tre-sens » et qu’il n’était pas « prêt à porter des pro­jets édi­to­ri­aux à venir »… Stupé­fac­tion à la rédac­tion, qui explique autrement ce ren­voi. Début jan­vi­er, Lomazzi avait en effet osé révéler le malaise qui planait sur les rédac­tions après la mau­vaise réor­gan­i­sa­tion de celles-ci. Aus­si, il avait refusé, pour des raisons de déon­tolo­gie, que son ser­vice par­ticipe au sup­plé­ment « éco » où les arti­cles étaient plus favor­ables aux entre­pris­es, pour attir­er la publicité.

Choquée par ce licen­ciement, la rédac­tion s’est donc réu­nie en AG ce lun­di 10 févri­er et a adop­té à 76,7 % une motion de défi­ance à l’encontre de la rédac­tion (135 pour, 33 con­tre et 8 blancs ou nuls, sur 176 votants). En par­al­lèle, elle a adop­té une motion de sou­tien à M. Lomazzi (91,6 %, 164 pour, 6 con­tre et 9 blancs ou nuls, sur 179 votants). « La procé­dure de licen­ciement bru­tale et sans fonde­ment de notre col­lègue Marc Lomazzi nous choque. Au-delà de ce cas per­son­nel, elle est l’ex­pres­sion du cli­mat délétère qui règne dans la rédac­tion où men­aces et intim­i­da­tions se mul­ti­plient. La lib­erté d’ex­pres­sion étant l’essence de notre méti­er, en priv­er ses jour­nal­istes est inac­cept­able. Dans ces con­di­tions, la rédac­tion n’a plus con­fi­ance dans sa direc­tion », indique la motion. Et de dénon­cer « la bru­tal­ité avec laque­lle il est traité » tout en deman­dant « à la direc­tion de revenir sur la procé­dure de licen­ciement qu’elle a engagée à son encontre ».

Dans un com­mu­niqué interne, la rédac­tion s’indigne : « La méth­ode relève de la ter­reur. Out­re la vio­lence du procédé à l’égard d’une per­son­ne qui n’a com­mis absol­u­ment aucune faute, c’est un sen­ti­ment de totale et pro­fonde injus­tice, sinon de colère, qui s’est abat­tu sur nous. » Et Élis­a­beth Fleury, prési­dente de la SNJ, de résumer : « En gros le mes­sage est le suiv­ant : vous pou­vez être licen­ciés sans raisons. » La semaine dernière, elle avait déjà dénon­cé dans un com­mu­niqué la « ter­reur » que fai­sait plan­er Thier­ry Bor­sa sur les équipes du Parisien.

Le délégué SNJ Olivi­er Cor­san relate l’origine de ces ten­sions : « On a con­nu un plan de départs volon­taires, on est passé en quelques années de de 350 à 300 jour­nal­istes, tout en devant nour­rir le site, et Le Parisien Dimanche… Il y a quelques jours, on a fait grève parce que les rem­bourse­ments kilo­métriques liés aux déplace­ments en voiture étaient bais­sés de 60 %. Les gens à l’ex­térieur du jour­nal n’ont pas com­pris pourquoi, mais cette mesure touchait les jour­nal­istes les moins bien payés, ceux qui tour­nent en région, et qui per­daient ain­si plus de 2 000 euros de salaire par an ! ». Ajoutez à cela une mau­vaise organ­i­sa­tion des rédac­tions et un directeur froid et bru­tal, et nous voici en pleine crise. Mais Olivi­er Cor­san tient à rap­pel­er que « la rédac­tion du Parisien ne vote pas tous les qua­tre matins une motion de défi­ance con­tre la direc­tion de la rédac­tion. Le cli­mat général est par­ti­c­ulière­ment crispé, à tous les niveaux. »

Depuis quelques mois, on relate déjà six cas de « burn-out » dont le directeur du ser­vice économique que Marc Lorezzi rem­plaçait juste­ment jusqu’à ce jour. Une psy­cho­logue a même été appelée à la rescousse, et assure des per­ma­nences tous les jeud­is. « Les gens sont fatigués et en colère », con­clut une jour­nal­iste. La sit­u­a­tion économique n’est guère plus reluisante : en 2013, Aujourd’hui en France a vu sa dif­fu­sion baiss­er de 10,3% par rap­port à 2012. Celle du Parisien est en recul de 8,8%.

Ven­dre­di prochain, 14 févri­er, la rédac­tion se réu­ni­ra à nou­veau en Assem­blée générale pour envis­ager d’autres mesures de protestation…