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L’Amateur de cigare relaxé

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17 décembre 2012

Temps de lecture : 3 minutes
Accueil | Veille médias | L’Amateur de cigare relaxé

L’Amateur de cigare relaxé

Temps de lecture : 3 minutes

Poursuivie par l’association Droit des non-fumeurs (DNF) pour publicité en faveur du tabac, la revue bimestrielle L’Amateur de cigare, créée en 1994 par le journaliste Jean-Paul Kauffmann, a été relaxée jeudi 13 décembre par le tribunal correctionnel de Paris. L’association réclamait 60 000 euros de dommages et intérêts.

C’est le numéro 78 (octobre/novembre 2010) de la revue qui avait provo­qué le cour­roux de l’association. Le chanteur Raphaël posait en cou­ver­ture, deux cig­a­res dépas­sant nég­ligem­ment de la poche de sa chemise. DNF esti­mait que le numéro pro­dui­sait « divers arti­cles et pho­togra­phies con­trevenant aux dis­po­si­tions édic­tées par le code de la san­té publique, pro­scrivant la pub­lic­ité et la pro­pa­gande directe ou indi­recte en faveur du tabac et des pro­duits du tabac ». Par­mi cette pro­pa­gande éhon­tée, l’association pointait la présen­ta­tion d’accessoires de con­ser­va­tion des cig­a­res et le por­trait d’un artiste-pein­tre qui van­tait les sen­sa­tions que lui procu­rait la con­som­ma­tion des cigares.

La 31e cham­bre du tri­bunal cor­rec­tion­nel a heureuse­ment bal­ayé les argu­ments de DNF en esti­mant que les objets présen­tés dans la revue cor­re­spondaient « à un goût et à une esthé­tique qui ne sont pas le seul apanage du fumeur de cig­a­re ». Con­cer­nant, l’artiste-peintre ama­teur de bar­reaux de chaise, le tri­bunal a sage­ment par­lé de « descrip­tion d’une expéri­ence indi­vidu­elle » qui ne devait pas être con­sid­érée comme « la volon­té délibérée de van­ter, de manière plus générale ou col­lec­tive, l’objet d’un désir gus­ta­tif que cha­cun doit rester en mesure de choisir ». Le tri­bunal a enfin fait preuve de bon sens en soulig­nant le fait que cette revue s’adressait « à un cer­cle restreint d’amateurs, dont l’intention n’est pas de con­fér­er à leur com­mu­nauté une grandeur et une écoute ». Dès lors les pages visées par DNF ne sont con­sti­tu­tives « ni d’une pub­lic­ité, ni d’une pro­pa­gande car­ac­térisées et volon­taires », a con­clu le tribunal.

Pour l’avocat Pierre Mairat, con­seil de l’association, la déci­sion du tri­bunal « nie les faits les plus élé­men­taires et les plus évi­dents ». Selon lui, plus qu’une affaire entre deux par­ties, il s’agit d’une ques­tion de « san­té publique ». Il en appelle ain­si solen­nelle­ment aux min­istres de la San­té et de la Jus­tice, deman­dant qu’il soit inter­jeté appel de ce jugement.

Au-delà des arguties juridiques, c’est la ques­tion d’une forme de fanatisme anti-tabac qui se pose. Veiller à ce la presse général­iste ne com­porte pas de pub­lic­ités insi­dieuses pour le tabac risquant d’inciter un non-fumeur à fumer est com­préhen­si­ble. Appli­quer ce raison­nement a une revue spé­cial­isée dans le cig­a­re ressem­ble à de l’acharnement. On peut en effet sup­pos­er que le lecteur de ce type de revue, un adulte doté de libre-arbi­tre, ne risque pas d’être manip­ulé ou incité au vice puisqu’il achète de son plein gré une revue entière­ment con­sacré à ce « vice » qu’il con­sid­ère, lui, comme un pro­duit raf­finé de la civil­i­sa­tion. C’est donc très claire­ment la lib­erté indi­vidu­elle qui est remise en cause par DNF qui sem­ble de plus en plus vouloir le bien des gens mal­gré eux, ce qui pour­rait être une déf­i­ni­tion du totalitarisme.

Maître Vergès a coutume de dire qu’il aime fumer le cigare parce que la fumée de celui-ci « éloigne les moustiques et les humanistes ». Mais ce que le brillant avocat ignorait, c’est que cette même fumée attire aujourd’hui les emmerdeurs.

Source : Cor­re­spon­dance de la presse, n° 16083. Crédit pho­to : mon­tage Ojim

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