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La télévision publique allemande ZDF condamnée en Pologne pour révisionnisme

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23 janvier 2017

Temps de lecture : 5 minutes
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La télévision publique allemande ZDF condamnée en Pologne pour révisionnisme

Temps de lecture : 5 minutes

S’il est une expression qui met en colère les Polonais, c’est celle de « camps de la mort polonais » ou « camps de concentration polonais » parfois utilisée dans les médias internationaux pour parler des camps de concentration allemands dans la Pologne occupée pendant la Deuxième guerre mondiale.

Les fau­tifs expliquent générale­ment cela par un rac­cour­ci phraséologique, « polon­ais » voulant dire ici « situés en Pologne occupée ». Mais vu de Pologne, cela s’inscrit dans un dis­cours qui tend à vouloir faire porter une par­tie de la respon­s­abil­ité de la Shoah aux Polon­ais dont le gou­verne­ment en exil à Lon­dres et son Armée de l’intérieur qui lut­tait con­tre l’occupant en Pologne n’ont pour­tant jamais col­laboré avec les nazis et avaient même une organ­i­sa­tion spé­ciale pour venir en aide aux juifs per­sé­cutés, la Com­mis­sion d’aide aux juifs. Sans par­ler du fait que des résis­tants polon­ais se sont volon­taire­ment fait envoy­er dans des camps de con­cen­tra­tion pour voir ce qui s’y pas­sait, faisant par­venir par le lieu­tenant Jan Kars­ki (qui s’était lui-même intro­duit deux fois dans le ghet­to de Varso­vie) l’information sur le géno­cide en cours au prési­dent améri­cain en per­son­ne. Après avoir ren­con­tré le min­istre des Affaires étrangères bri­tan­nique pour l’alerter sur l’extermination des juifs en Pologne, Jan Kars­ki a en effet remis en mains pro­pres son rap­port et un appel à l’aide des juifs à Franklin Delano Roo­sevelt le 28 juil­let 1943. Au nom du gou­verne­ment polon­ais en exil, le lieu­tenant Kars­ki a pro­posé que les Alliés adressent un ulti­ma­tum à Hitler en menaçant de bom­barder les pop­u­la­tions civiles alle­man­des et qu’ils bom­bar­dent les nœuds fer­rovi­aires par où pas­saient les trains emmenant les juifs dans les camps de con­cen­tra­tion, mais les Alliés avaient d’autres pri­or­ités ou n’ont pas voulu croire les Polon­ais. En 2012, Jan Kars­ki a été décoré post-mortem de la Médaille de la Lib­erté par le prési­dent Barack Oba­ma au cours d’une céré­monie pen­dant laque­lle le prési­dent améri­cain a lui aus­si par­lé de « camps de con­cen­tra­tion polon­ais », lais­sant un goût amer aux Polonais.

Une loi en dis­cus­sion depuis l’année dernière au par­lement de Varso­vie ferait de l’allusion aux « camps de con­cen­tra­tion polon­ais » un délit de révi­sion­nisme pas­si­ble d’une peine de prison au même titre que la néga­tion de l’Holocauste.

Par­al­lèle­ment, en décem­bre 2016, la télévi­sion publique alle­mande ZDF a été con­damnée par la Cour d’appel de Cra­covie à présen­ter ses excus­es et dédom­mager le Polon­ais Karol Ten­dera, un rescapé d’Auschwitz aujourd’hui âgé de 95 ans, pour avoir par­lé en 2013 à pro­pos d’une émis­sion d’Arte de « camps de la mort polon­ais ». La ZDF s’est bien exé­cutée le 23 décem­bre, mais à recu­lons : les excus­es ont été placées dans un endroit peu vis­i­ble, tout en bas de la page d’accueil de son site Inter­net, sous le titre « Excus­es auprès de Karol Ten­dera » (Entschuldigung bei Karol Ten­dera). Ce n’est que lorsque l’on clique sur ce titre énig­ma­tique que l’on peut voir s’afficher le texte des excus­es au for­mat image, ce qui le rend invis­i­ble aux moteurs de recherche.

Face à une telle mau­vaise volon­té qui ferait presque penser que la télévi­sion ZDF a util­isé volon­taire­ment la for­mu­la­tion « camps de la mort polon­ais », de nom­breux inter­nautes polon­ais se sont mis à com­menter les arti­cles du site Inter­net et de la page Face­book de ZDF en affichant des images de camps de con­cen­tra­tion avec des mes­sages en anglais dans le style : « camps de la mort alle­mands, pas polon­ais, sou­venez-vous ! ». Ce mou­ve­ment s’est accom­pa­g­né d’une cam­pagne de hash­tags #Ger­man­Death­Camps #Ger­man­Not­Nazi #Ger­man­Not­Pol­ish (camps de la mort alle­mands / alle­mands pas nazis / alle­mands pas polonais).

On pour­rait logique­ment penser que, face à cette réac­tion, la télévi­sion publique alle­mande cor­rig­erait le tir, mais pas du tout ! Elle a au con­traire entre­pris de sup­primer et blo­quer tous les mes­sages provenant d’utilisateurs affichant les inscrip­tions lui rap­pelant que les camps de con­cen­tra­tion en Pologne étaient alle­mands et que les Alle­mands y exter­mi­naient les juifs et tzi­ganes polon­ais et non polon­ais et qu’ils y ont aus­si tués de nom­breux Polon­ais non juifs.

La ZDF n’en est pas à son pre­mier fait de révi­sion­nisme. Début 2013, elle avait pro­duit et dif­fusé le télé­film « Nos mères, nos pères » (Unsere Müt­ter, unsere Väter) sur les tribu­la­tions d’un groupe de jeunes sol­dats alle­mands de la Wer­ma­cht entre 1941 et 1945. Ce télé­film avait lui aus­si fait scan­dale en Pologne, car il présen­tait la résis­tance polon­aise comme net­te­ment plus anti­sémite que les sol­dats de la Wehrma­cht avec notam­ment une scène inven­tée de toutes pièces ou une unité de l’Armée de l’intérieur polon­aise (AK), après avoir décou­vert que le train qu’elle venait de cap­tur­er trans­portait des juifs vers un camp de con­cen­tra­tion, avait décidé de les aban­don­ner à leur triste sort. Dans une autre scène, les sol­dats de l’AK affir­maient : « Les juifs, nous on les noie comme on fait avec les chats ». Mal­gré les cri­tiques vir­u­lentes en Pologne con­tre ce film, la télévi­sion publique polon­aise TVP avait décidé de l’émettre en juin 2013 pour per­me­t­tre à ses téléspec­ta­teurs de juger par eux-mêmes, créant elle aus­si la polémique.

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