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Kamel Daoud élu « journaliste de l’année »

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20 avril 2016

Temps de lecture : 3 minutes
Accueil | Veille médias | Kamel Daoud élu « journaliste de l’année »

Kamel Daoud élu « journaliste de l’année »

Temps de lecture : 3 minutes

L’année dernière, le prix avait été décerné à la rédaction de Charlie Hebdo, touchée par une attaque islamiste le 7 janvier 2015. Cette année, c’est Kamel Daoud, écrivain et (ancien ?) journaliste algérien francophone, qui a été récompensé.

Jeu­di 14 avril, devant une cinquan­taine de per­son­nes, dont le gratin de l’élite jour­nal­is­tique (Lau­rent Jof­frin, Philippe Labro, PPDA, Chris­tine Ock­rent, FOG, etc.) et le Pre­mier min­istre Manuel Valls, ce dernier s’est vu décern­er le prix Jean-Luc Lagardère du jour­nal­iste de l’an­née. Pre­mier para­doxe : on décerne un prix de jour­nal­isme à un homme qui, depuis qu’il a été visé par une fat­wa, a offi­cielle­ment renon­cé au journalisme.

Sec­ond para­doxe : il est curieux de voir l’in­tel­li­gentsia parisi­enne, con­nue pour sa dis­tance vis-à-vis des faits, récom­penser celui qui, en févri­er dernier, s’est attiré les foudres d’une ving­taine d’u­ni­ver­si­taires pour un arti­cle à con­tre-courant sur les vio­ls de Cologne. Dans Le Monde du 31 jan­vi­er 2016, l’écrivain expli­quait en effet à quel point l’ac­cueil du réfugié était atteint par une « sur­dose de naïveté ».

En effet, selon lui, l’im­mi­gré sauvera certes son corps en se ren­dant en Europe, mais n’a­ban­don­nera pas pour autant sa cul­ture. Une cul­ture arabo-musul­mane où règ­nent la « mis­ère sex­uelle » et le « rap­port malade à la femme, au corps et au désir ». Ain­si, « l’ac­cueil­lir n’est pas le guérir », esti­mait-il. Et d’a­jouter : « Le rap­port à la femme est le nœud gor­di­en, le sec­ond dans le monde d’Allah. La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfer­mée ou possédée. »

Un dis­cours réal­iste qui, for­cé­ment, a forte­ment déplu aux gar­di­ens de la pen­sée cor­recte. Tou­jours dans le quo­ti­di­en du soir, une ving­taine d’u­ni­ver­si­taires avaient donc pub­lié une tri­bune pour dénon­cer « une série de lieux com­muns navrants sur les réfugiés orig­i­naires de pays musul­mans ». Pour eux, Kamel Daoud « recy­cle les clichés ori­en­tal­istes les plus éculés » et par­ticipe à « la banal­i­sa­tion des dis­cours racistes affublés des ori­peaux d’une pen­sée human­iste qui ne s’est jamais si mal portée ».

C’est pourquoi ce jeu­di 14 avril, à la Mai­son des Champs-Élysées dans le 8ème arrondisse­ment, l’élite du jour­nal­isme a pris toutes les pincettes néces­saires en appelant à éviter d’être « l’ar­bi­tre des élé­gances morales ou de soutenir des dérives pou­jadistes ». Le mes­sage est passé. De son côté, Manuel Valls, pru­dent, s’est adressé au chroniqueur du Point en ces mots : « Je suis face à un dilemme : vous soutenir, c’est vous met­tre en dif­fi­culté. Pour­tant, je ne veux pas vous laiss­er seul. »

Mais pour Téléra­ma, il y a « une forme de gêne à regarder une élite parisi­enne accueil­lir des per­son­nes per­sé­cutées de par le monde et dev­enues des sym­bol­es ». En effet, depuis 2012, date à laque­lle un prédi­ca­teur islamiste a lancé une fat­wa con­tre lui, récla­mant son exé­cu­tion publique pour apos­tasie, Kamel Daoud vit dans une semi-clan­des­tinité dans sa ville d’O­ran, en Algérie. Depuis cet événe­ment, il a annon­cé renon­cer offi­cielle­ment au journalisme.