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Dossier : Le Phénomène Zemmour, grenade dans un bunker

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20 octobre 2014

Temps de lecture : 18 minutes
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Dossier : Le Phénomène Zemmour, grenade dans un bunker

Temps de lecture : 18 minutes

Le plus grand événement médiatico-littéraire de l’année aura donc été produit non par les révélations intimes de l’ancienne maîtresse d’un président dévalué, mais au cours de la promotion d’un pavé sur le déclin de la France, Le Suicide français (Albin Michel), où on aura assisté à la convulsion de tout un système autour d’un journaliste isolé.

Le same­di 4 octo­bre 2014, une véri­ta­ble défla­gra­tion allait par­tir du plateau du talk show de Lau­rent Ruquier, On n’est pas couché, dont les échos n’allaient cess­er de se réper­cuter dans tous les médias : télévi­sion, radio, presse écrite, et monop­o­lis­er les débats sur Inter­net ou les réseaux soci­aux jusqu’à aujourd’hui inclus. La bête médi­a­tique, le mon­stre polémiste que l’émission avait elle-même sus­cité et dont, en con­trepar­tie, elle avait tiré une grande par­tie du car­bu­rant de sa pro­pre ascen­sion aux som­mets de l’audience, était de retour dans le fau­teuil des invités. Et ce fut comme un court-cir­cuit pro­pre à faire sauter les plombs de tout le sys­tème médi­a­tique français. L’ancien chroniqueur était accueil­li par son ancien patron vis-à-vis duquel il avait tou­jours fait davan­tage fig­ure de Franken­stein, une créa­ture ayant totale­ment échap­pé à son créa­teur, un virus dans le réseau rôdé et rou­tinier des médias. D’abord pro­mu pour con­traster un peu la courbe mol­lis­sante de l’encéphalogramme et exciter l’audience, mais qui menaçait depuis de tout dévaster. Certes, on se réjouis­sait sans doute du record d’audience que n’allait pas man­quer de pro­duire sa venue, mais cette fois-ci, il allait tout de même fal­loir cir­con­scrire le mon­stre. Alors même qu’à l’époque où il offi­ci­ait, celui-ci représen­tait la voix « droitière » du plateau, com­pen­sée par son binôme de gauche, Éric Naul­leau, cette dou­ble per­spec­tive se trou­vant arbi­trée par un Lau­rent Ruquier se ten­ant à peu près à son rôle, désor­mais, Zem­mour s’assiérait sous les lumières comme un incom­préhen­si­ble intrus cerné dans une logique du tous con­tre seul. Seul, sur le plateau, sur celui-ci comme sur les nom­breux autres qu’il occu­perait par la suite, mais pour­tant, déjà envi­ron­né d’une longue rumeur dont on perce­vait le bruisse­ment sur les réseaux sociaux.

Le retour du roi

Le Suicide français (Albin Michel), d'Eric Zemmour

Le Sui­cide français (Albin Michel), d’Er­ic Zemmour

Sur le forum 18–25 du site www.jeuxvideo.com, des jeunes gens, depuis deux jours, pré­paraient fébrile­ment leur same­di soir. Était-ce pour se livr­er à une par­tie de jeu en réseau annex­ant le week-end entier ? Afin d’élaborer une gigan­tesque soûlo­gra­phie ? Non. Ils prévoy­aient juste­ment de se « met­tre suff­isam­ment la tête » la veille pour ne pas regret­ter de rester chez eux le lende­main et fix­er les yeux sur un écran tout ce qu’il y a de plus clas­sique où devait ressur­gir leur idole, une idole n’ayant aucun des attraits de Lara Croft, un mai­gre intel­lectuel quin­quagé­naire faisant la pro­mo­tion d’un pavé de plus de 500 pages détru­isant point par point les coor­don­nées de l’époque même qui les avait vu naître. Le soir en ques­tion, c’est par dizaines qu’ils envahis­saient un top­ic spé­ciale­ment dédié afin de com­menter en direct la presta­tion d’Éric Zem­mour tout en ten­ant au courant les retar­dataires de ses dernières sor­ties. Lorsque le polémiste entra sur le plateau au début de l’émission sous l’ovation des spec­ta­teurs, une phrase fusa sur le forum, résumant toute l’excitation qui venait de s’y con­cen­tr­er : « Le retour du roi ! » Les quelques réfrac­taires au culte, peut-être deux ou trois inter­nautes, lancèrent bien des anathèmes, la foule n’y répon­dit même pas. À rebours de tous les clichés véhiculés par les médias en per­ma­nence, cette scène extrav­a­gante ne pre­nait pas place sur le forum 60–75 du site nostalgiquesdevichy.com, ou dans une soirée privée organ­isée par Radio Cour­toisie, mais par­mi des jeunes gens con­nec­tés représen­tant bien davan­tage l’avenir du pays que Cohn-Ben­dit ou Attali, les vieil­lards tri­om­phants qui ont, depuis quar­ante ans, établi un règne qui ne se décide pas à offrir une quel­conque alter­nance possible.

Anatomie du Suicide

Ce soir du 4 octo­bre, toutes les don­nées du traite­ment médi­a­tique de Zem­mour et de son livre vont se met­tre en œuvre. Tout d’abord, il faudrait donc rap­pel­er de quel objet il va être ques­tion afin de com­pren­dre la manière spé­ciale dont les médias ont décidé de le traiter. Le Sui­cide français déroule une espèce de chronolo­gie du désas­tre, de la mort du Général de Gaulle à nos jours, réca­pit­u­lant tous les élé­ments qui ont par­ticipé à « sui­cider » le pays — et dans chaque ordre : économique, poli­tique, moral, esthé­tique, stratégique. Si l’écriture est sou­vent assez fruste, emportée par l’efficacité qu’elle vise ; si, en bras­sant une telle somme de choses si divers­es avec des ambi­tions si pro­fondes, Zem­mour est très sou­vent dans le rac­cour­ci, l’approximation, la for­mule, ces défauts demeurent assez inhérents à son pro­jet : celui de faire un livre de com­bat dans une sit­u­a­tion d’urgence, et un livre qui, pour être effi­cace, puisse néan­moins être lu par un grand nom­bre. Il n’en reste pas moins très riche, dégage quelques intu­itions lumineuses, et pro­pose en effet comme thèse une cer­taine « décon­struc­tion de la décon­struc­tion » qui peut, évidem­ment, être dis­cutée de mille manières, mais qui se trou­ve en tout cas étayée, cohérente, sou­vent implacable.

L’idée la plus forte qu’il tente de démon­tr­er — et dans le com­bat cul­turel, sans doute la plus stratégique -, est qu’il n’y a pas de « sens de l’Histoire », comme le pré­ten­dent sans arrêt les idéo­logues libéraux/libertaires d’un bord à l’autre de l’Assemblée afin de faire accepter aux Français, par une super­sti­tion fatal­iste, leur déclin, leur déclasse­ment en tous plans, et pourquoi pas, demain, leur rem­place­ment par une nou­velle pop­u­la­tion. Non, il n’y a pas de « sens de l’Histoire », d’obligation d’en pass­er par là con­tre quoi toute rébel­lion serait imma­ture et stérile, mais, et Zem­mour le démon­tre année après année à tra­vers une liste très impor­tante d’événements symp­to­ma­tiques, il y a une suc­ces­sion impres­sion­nante de démis­sions, de renon­ce­ments, de choix, de pres­sions internes et externes divers­es qui aboutis­sent toutes, en se liguant au même fais­ceau, à la sit­u­a­tion actuelle d’une France à l’état de pos­si­ble mort immi­nente. Le prob­lème n’est donc pas religieux, au sens d’une fatal­ité pseu­do-pro­gres­siste et mon­di­al­iste devant quoi il faudrait s’incliner comme le croy­ant face aux décrets divins, mais le prob­lème est poli­tique et tient à une trahi­son des élites ayant, sci­em­ment ou non, usé d’une cer­taine manière de leur respon­s­abil­ité d’hommes libres et doués d’intelligence. Tra­di­tion de la rai­son cri­tique française, tra­di­tion de l’essai polémique qui ne se con­fond ni avec une thèse ni avec une pro­duc­tion de spé­cial­iste, le for­mat et la démarche employés par Éric Zem­mour sont a pri­ori naturelle­ment appréhend­ables par n’importe quel « lettré ».

Stratégie médiatique

Sauf que, nous l’avons dit, l’objectif des chroniqueurs de Ruquier comme de leur patron, n’est pas d’instaurer un débat loy­al ou d’établir une cri­tique raisonnable d’un livre dont va être tout juste effleurée la thèse, mais de par­venir enfin à détru­ire le mon­stre, en prof­i­tant de son retour sur les lieux d’origine de sa puis­sance, comme si le cer­cle d’une malé­dic­tion pou­vait ici trou­ver sa boucle. La stratégie choisie pour l’abattre n’est cepen­dant pas de vis­er le cœur avec un pieu, mais, bien au con­traire, d’attaquer le plus en marge qu’il soit pos­si­ble. Qu’importe que, de cette manière, on ne vise jamais le cœur du débat et qu’on ne démonte jamais le fond de l’argumentaire d’Éric Zem­mour : la télévi­sion est un flux, l’image impres­sionne, la célérité des échanges empêche la prise de recul, elle pro­duit naturelle­ment une forme de con­fu­sion glob­ale émo­tive – il suf­fit donc de créer des impres­sions à par­tir du matéri­au qu’on trou­vera pour ter­rass­er la bête au venin de trois fléchettes. 1/Zemmour est un faux prophète. 2/Zemmour ment. 3/Zemmour est fasciste.

Et pour étay­er ces accu­sa­tions, puisqu’on est dans le reg­istre d’un procès, d’une mise à mort médi­a­tique rêvée, pour les étay­er, donc, on ne recule devant aucun amal­game ni aucun procédé. Pour démon­tr­er le pre­mier point, on dif­fuse un extrait d’une émis­sion de juil­let dernier au cours de laque­lle Éric Zem­mour pronos­tique la défaite de l’Allemagne à la Coupe du monde qu’elle a finale­ment rem­portée. Que sur les nom­breux pronos­tics qu’a étab­lis le jour­nal­iste, il arrive qu’il se soit trompé, et con­cer­nant du foot­ball (!), on ne voit guère ce que cela démon­tre, mais qu’importe puisque cela infuse du moins une idée : celle qu’échouent les prophéties zemmouriennes.

Caron ou le déni par la statistique

Le plan sur lequel va atta­quer Aymer­ic Caron pour expos­er, lui, l’idée que Zem­mour ment, est le seul qu’il con­naisse : celui des saintes sta­tis­tiques. Les chiffres ras­surent tou­jours les esprits faibles, c’est l’objectivité à la portée des compt­a­bles. Et cela par­ticipe à nou­veau d’une attaque com­plète­ment en marge. En effet, la moitié des chiffres présen­tés par Éric Zem­mour dans son livre seraient-ils faux ou tron­qués, que ça n’invaliderait pas sa thèse pour autant ! Elle serait seule­ment très mal étayée… Mais bref, Caron détecte et dénonce un chiffre sur le nom­bre d’enfants étrangers de moins de qua­tre ans qui sem­ble en effet impos­si­ble. Il a tout à fait rai­son de le remar­quer, mais de là à infér­er que l’ensemble de l’argumentaire de Zem­mour reprenant la théorie de Renaud Camus sur « Le Grand Rem­place­ment », i.e. la sub­sti­tu­tion de la pop­u­la­tion française d’origine par une autre importée d’Afrique, il y a tout de même une con­clu­sion pour le moins hâtive. D’autant que les chiffres qu’il oppose au polémiste comme des tables de la Loi et qui tendraient à prou­ver que la pro­por­tion d’immigrés dans la pop­u­la­tion est sta­ble depuis des lus­tres sont à même de faire éclater de rire n’importe quel obser­va­teur de son pro­pre quarti­er. De toute manière, l’immigration est l’angle mort sta­tis­tique, aucun chiffre ne décrit le phénomène de manière sat­is­faisante. À par­tir du moment où la machine assim­i­la­tion­niste française est en panne, il devient impos­si­ble de recouper la nation­al­i­sa­tion juridique d’une per­son­ne et sa francité effec­tive. Les out­ils sta­tis­tiques sont donc inopérants pour décrire la réal­ité. Le débat de chiffres qui s’ensuit n’est plus qu’une diver­sion sans aucun intérêt. Mais l’on pour­ra not­er, en revanche, com­ment se révèle la tour­nure d’esprit par­ti­c­ulière du chroniqueur lors de l’émission suiv­ante d’ONPC. En effet, comme Ruquier revient sur le pas­sage de Zem­mour notam­ment en rai­son des très nom­breuses protes­ta­tions des spec­ta­teurs sur le traite­ment qui lui a été infligé, le présen­ta­teur tente de se réc­on­cili­er son pub­lic en arguant que les ventes faramineuses de son essai – 5000 exem­plaires par jour –, sont peut-être aus­si une con­séquence de son débat avec ses chroniqueurs. Caron, ne sup­por­t­ant pas d’être assim­ilé de la sorte à un pro­mo­teur indi­rect des écrits d’Éric Zem­mour affirme alors qu’on pour­rait voir les choses autrement, et, ten­ant pour acquis les suc­cès com­mer­ci­aux de Zem­mour, pré­tend que sans son inter­ven­tion, le livre se serait peut-être écoulé à 10 000, voire 20 000 exem­plaires par jour… Immé­di­ate­ment, l’homme se jette donc sur des chiffres, des chiffres totale­ment déli­rants n’ayant d’autre fonc­tion qu’un déni de réel : l’incontestable suc­cès du livre d’Éric Zem­mour. Cette réac­tion spon­tanée en dit plus long sur les méth­odes de Caron que n’importe quelle analyse. On com­prend néan­moins l’obsession math­é­ma­tique du chroniqueur. Lorsqu’il se réfère aux let­tres, mon­sieur a ten­dance à s’embrouiller, comme quand il pré­tend ridi­culis­er l’érudition de Zem­mour en citant Schopen­hauer bro­car­dant ceux qui citent des auteurs référents, sans s’apercevoir que l’arme qu’il utilise le désigne, en l’occurrence, lui-même comme pre­mière cible…

Le lancement de la polémique

Enfin, com­ment, pour détru­ire un adver­saire idéologique, aurait-on pu se pass­er d’un bon vieux point God­win ? C’est facile et tou­jours effi­cace, la preuve : l’intervention de Léa Salamé va lancer une polémique qui affol­era les médias pour une semaine entière. Reste à savoir, à quel point ces médias sont dupes ou à quel point ils se ren­voient le point God­win comme une balle en ten­tant à chaque coup de lui con­fér­er un effet plus per­vers. Encore une fois, Salamé attaque com­plète­ment dans la marge. Le sujet de Zem­mour, qui con­sacre un bref chapitre à Pax­ton, n’est pas Vichy ni Pax­ton, d’ailleurs, mais l’entretien par les élites française d’une haine de soi nationale com­plète­ment mor­tifère. L’auteur mon­tre com­ment la doxa engen­drée par l’historien améri­cain faisant de Vichy une incar­na­tion du mal aus­si défini­tive, sinon plus, que le nazisme, va être util­isée dans un but idéologique afin de par­venir à l’équation : France = Vichy = pire qu’Hitler. Evidem­ment, la démon­stra­tion de Zem­mour est con­trainte de se dérouler sur un ter­rain périlleux, et le bret­teur avance tou­jours au pas de charge sans pren­dre peut-être toutes les pré­cau­tions req­ui­s­es ( et quoiqu’il stip­ule bien qu’il ne cherche aucune­ment à réha­biliter Vichy), d’autant qu’il ne s’agit pour lui que d’un élé­ment par­mi un vaste cat­a­logue. Mais comme Caron se jette, dans les marges d’une énorme démon­stra­tion, sur la sta­tis­tique improb­a­ble ; Léa Salamé se pré­cip­ite, tou­jours dans les marges, sur la pre­mière pos­si­bil­ité de point God­win, et trans­forme les 500 pages de Zem­mour en réha­bil­i­ta­tion de Pétain, tout en le ren­voy­ant para­doxale­ment à ses orig­ines juives : celles-ci l’auraient pré­ten­du­ment poussé de manière névro­tique à se vouloir plus goy que goy. On admir­era ce déter­min­isme racial, et cette sub­til­ité psychologique.

Une semaine de calomnie

S’en suiv­ra une semaine de calom­nie, sur le même mécan­isme que l’affaire Mil­let, que l’affaire Deutsch, que l’affaire Gauchet, sur le même procédé de lyn­chage hys­térique et de mau­vaise foi pris en charge par tous les médias dom­i­nants en vue de fas­cis­er le déviant sur le mode stal­in­ien. Tout sera util­isé. Le men­songe par Bruno Roger-Petit pré­ten­dant, le 6 octo­bre, sur son blog du Nou­v­el Obs’ que le dis­cours de Zem­mour est : « Il faut réha­biliter Pétain, le boucli­er pro­tecteur des Nazis en 1940 », quand bien même Zem­mour affirme, durant l’échange en ques­tion vis­i­ble sur la page : « Ce n’est pas la réha­bil­i­ta­tion de Pétain. » En out­re, soulign­er que le régime de Vichy, en dépit de toute l’horreur qu’il représente, a para­doxale­ment pro­tégé les Juifs français tout en se livrant à l’abomination par ailleurs, ne revient pas à repren­dre l’antienne du glaive et du boucli­er… On vire à la con­tra­dic­tion man­i­feste aux Inrocks, qui inter­viewent l’historien Serge Berstein afin que celui-ci donne une leçon d’histoire à Éric Zem­mour. Berstein affirme donc que Zem­mour a tout faux et explique : « Il est vrai que le quart des Juifs français a été déporté et n’est pas revenu. Le chiffre est moin­dre que dans d’autres pays. C’est dû d’une part aux effets de pro­tec­tion de la pop­u­la­tion et d’autre part aux efforts, en tout cas au début, pour essay­er de con­serv­er les Juifs français et livr­er les Juifs étrangers à l’Allemagne ». Soit, pré­cisé­ment ce qu’affirme Zem­mour, qui ne pré­tend rien de plus… Le 13 octo­bre, le JDD ira voir l’historien sur lequel s’appuie Zem­mour, Alain Michel et titr­era : « Le livre de Zem­mour ne me con­cerne pas. », lais­sant enten­dre, donc, que l’historien con­teste le jour­nal­iste. Pour­tant, en lisant l’article, on décou­vre ceci : « L’ex­pres­sion de Zem­mour est mal­adroite. Il aurait fal­lu dire “entre 90 et 92%”, et con­traire­ment à ce qu’af­firme Serge Klars­feld, je ne pense pas que l’on puisse attribuer ces chiffres à la seule action des “Justes par­mi les nations”, mais prin­ci­pale­ment à la poli­tique appliquée par le gou­verne­ment de Vichy, qui a freiné l’ap­pli­ca­tion de la solu­tion finale en France. » À ce degré de mal­hon­nêteté intel­lectuelle décom­plexée, on sent que la machine déraille com­plète­ment. Jacques Attali, sur BFMTV, com­pare Zem­mour à un « traitre glo­ri­fié » après l’avoir de nou­veau acculé à son ADN juif. Quant à Jean-Jacques Bour­din, le 13 octo­bre, sur la même chaîne, il ira jusqu’à pos­er à Éric Zem­mour cette ques­tion lais­sant son inter­locu­teur com­plète­ment ébahi : « Vous êtes néga­tion­niste, Éric Zem­mour ? » Ain­si a‑t-on à nou­veau quit­té l’aire du débat intel­lectuel depuis longtemps désertée pour s’engouffrer dans le délire col­lec­tif. Tout ça pour assim­i­l­er à Pétain un homme ne jurant que par de Gaulle.

Collusion des élites

Mais revenons à cette soirée inau­gu­rale du 4 octo­bre. Zem­mour s’y trou­ve seul con­tre tous et inter­vient sur tous les fronts. Cohn-Ben­dit, Ruquier, Salamé, Caron, Denisot, sont dans la mêlée, mais le cinéaste Xavier Dolan, comme son actrice au bord de l’apoplexie, même s’ils n’entrent pas dans la bataille, parta­gent le même enne­mi. Dolan exprimera son dégoût pour le polémiste le 6 octo­bre sur Europe 1. For­cé­ment, celui-ci représente une odieuse provo­ca­tion au tri­bunal de son univers men­tal per­son­nel. Néan­moins, per­son­ne ne sem­ble relever, quand Dolan pousse un coup de gueule con­tre les man­i­fes­tants opposés à la GPA, qu’il y a tout de même quelque chose de légère­ment choquant à ce qu’un homo­sex­uel québé­cois de 25 ans sans enfant vienne tancer bru­tale­ment les Français sur leurs choix en matière de poli­tique famil­iale… La provo­ca­tion, l’outrance, ne peu­vent sem­ble-t-il jamais venir que du même lieu. En tout cas, Zem­mour ligue toute l’élite con­tre lui, phénomène qui devient aus­si spec­tac­u­laire que trans­par­ent sur un plateau de télévi­sion. Poli­tiques, ani­ma­teurs, jour­nal­istes, artistes, tous les représen­tants du pou­voir politi­co-médi­ati­co-cul­turel se trou­vent amal­gamés d’un coup d’œil par la révul­sion que leur inspire Zem­mour. Après le plateau d’ONPC, ce sera le reste de la presse qui clam­era sa répro­ba­tion, puis la classe poli­tique à son tour. De Jean-Christophe Cam­badélis, pre­mier secré­taire du PS sur LCP à Rose­lyne Bach­e­lot sur France 5 ou même Pasqua sur Europe 1, sans compter bien enten­du les asso­ci­a­tions pré­ten­du­ment antiracistes, par les voix de Dominique Sopo ou d’Alain Jakubow­icz. Tous ne sont plus qu’un seul bloc.

Déni de démocratie, le peuple pue

Et pour­tant, dès le début du choc, Léa Salamé l’affirme grave­ment : « Vous avez gag­né, Éric Zem­mour… », sous-enten­dant par là que les idées que celui-ci défend sont désor­mais majori­taires dans la pop­u­la­tion française. Mais com­ment alors ne pas pren­dre en compte l’invraisemblable dis­tor­sion de représen­ta­tiv­ité qui se joue à l’occasion de la « tournée pro­mo­tion­nelle » de l’essayiste ? Les médias, dans leur immense majorité, l’isolent et l’agressent tout en recon­nais­sant qu’il a le nom­bre invis­i­ble (de moins en moins invis­i­ble) pour lui ! Et ils l’agressent bien sûr soi-dis­ant au nom de la diver­sité et d’un fal­lac­i­eux human­isme pro­gres­siste que toute leur atti­tude bat en brèche ! Cette dis­tor­sion, si elle ne peut qu’être véri­fiée par les ventes record du Sui­cide français, appa­raît de manière plus sen­si­ble sur les pages Inter­net. Chaque arti­cle, chaque vidéo, se voient inondés par les com­men­taires quand ceux-ci ne sont pas pure­ment et sim­ple­ment fer­més. Réal­ité qui poussera Lau­rent Ruquier à opér­er un debrief­ing con­ciliant dans son émis­sion suiv­ante. Ces com­men­taires sou­ti­en­nent Zem­mour dans des pro­por­tions de 50 à 100% selon que les sup­ports vont de la gauche à la droite. Sont-ce des cris de haine ? Des log­or­rhées xéno­phobes ? Des dis­cours nazis remixés ? Non ! La plus grande par­tie de ces posts pro­pose le débat, développe de réelles argu­men­ta­tions, se tient dans un cadre par­faite­ment rationnel. Ce sont les affil­iés aux médias dom­i­nants qui se con­tentent d’invectives, d’injures, de rac­cour­cis infâ­mants et fer­ment toute pos­si­bil­ité à l’échange. Et en dépit de cela, par un aveu­gle­ment idéologique obstiné, par une sur­dité démente, cette France-là, qui lit, qui dis­cute, qui développe, qui écrit un français cor­rect et qui, quand elle ne sou­tient pas totale­ment l’essayiste, s’étonne au moins du traite­ment qui lui est réservé, cette France-là est car­i­caturée et cou­verte de crachats par la Une de Libé, le 11 octo­bre, qui titre sur « La France rance d’Éric Zem­mour. » Le champ lex­i­cal de la moi­sis­sure et de la pesti­lence ne s’étaye que fort peu.

Mais pourquoi le vieux jour­nal de gauche, si célèbre pour ses titres, n’est-il pas allé plus vite à l’essentiel en titrant par exem­ple : « Le peu­ple pue. »

La France du repli sur soi… et l’autre

De fait, la stupé­fi­ante semaine médi­a­tique autour d’Éric Zem­mour aura con­fir­mé cer­taines de ses thès­es d’une manière spec­tac­u­laire. Des élites toutes insi­dieuse­ment sol­idaires auront vomi leur bile sur une bête médi­a­tique incar­nant le temps de quelques émis­sions toute la souf­france et l’orgueil d’un peu­ple méprisé, et auront égale­ment révélé le vis­age cohérent d’une cer­taine France. Une France du repli sur soi, du repli dans les beaux quartiers et les plateaux de télévi­sion, bien unie der­rière ses appar­entes diver­gences, pour fréquenter les mêmes car­rés VIP et partager les mêmes maîtress­es. Une France de la haine, prête à toutes les calom­nies pour faire taire celui qui ose exprimer une opin­ion diver­gente ; une France inapte au dia­logue et gavée de préjugés sur quiconque se mon­tr­erait trop étranger à sa pro­pre cul­ture. Surtout, une France qui panique et perd toute maîtrise rationnelle. En somme, une France qui a peur. Et dont la peur, en effet, n’est sans doute pas seule­ment nour­rie de fantasmes…

Crédit pho­to : The­su­per­mat via Wiki­me­dia (cc)