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Départ de Claire Chazal de TF1 : enterrement de première classe ou autocélébration des médias ?

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18 septembre 2015

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Départ de Claire Chazal de TF1 : enterrement de première classe ou autocélébration des médias ?

Départ de Claire Chazal de TF1 : enterrement de première classe ou autocélébration des médias ?

Temps de lecture : 4 minutes

Virée en un tournemain de TF1 après 24 ans de bons et loyaux services au JT du week-end, Claire Chazal a vu son départ émouvoir l’ensemble des médias. Et au vu des diverses réactions, l’on peut se demander si c’est un départ où une disparition que l’on pleure. À la mesure d’une présentatrice qui a été le visage de l’un des journaux télévisés les plus populaires du pays pendant un quart de siècle ou d’une société obnubilée par le pouvoir de l’image où la disparition des écrans est synonyme de mort physique ?

Le traite­ment par la qua­si-total­ité des médias de son dernier JT du 13 sep­tem­bre tourne autour d’un mot cen­tral : la « tristesse » à laque­lle se joint « l’é­mo­tion » d’une présen­ta­trice qui se livre au pub­lic pour s’en rap­procher, tout en « ren­forçant son image publique de femme libre et sen­si­ble ». Ce traite­ment médi­a­tique reflète les pro­pos de Claire Chaz­al, qui a déclaré son « immense tristesse de ne plus pou­voir assumer la mis­sion que (lui) avait con­fiée Fran­cis Bouygues ». Hors plateau, elle a fon­du en larmes, rap­por­tent les jour­nal­istes présents, et avoué son « déchire­ment » de quit­ter l’antenne.

Les nom­breuses réac­tions sur Twit­ter font elles aus­si davan­tage penser à un enter­re­ment qu’à une retraite pro­fes­sion­nelle. De Michel Polnar­eff, qui a tweeté « Vous m’avez tou­jours porté bon­heur. Je vous regret­terai, comme des mil­lions de téléspec­ta­teurs » à Nabil­la dont le tweet con­sti­tu­ait une avalanche d’« émoticônes » pleu­rant toutes les larmes de leurs corps. Et les réac­tions des ex-col­lègues de la présen­ta­trice ont vite été cat­a­loguées comme « adieux ». Jean-Pierre Per­naut a ain­si dit « son ami­tié et son émo­tion » à celle, avec qui il a « partagé presque un quart de siè­cle de l’his­toire du monde, de la télé et donc de TF1 ». Lau­rent Dela­housse, de son côté, lui a ren­du « hom­mage » comme on le fait lors de la dis­pari­tion d’un per­son­nage impor­tant. Il n’y a guère que Char­lie Heb­do qui refuse de s’associer à la grande émo­tion, en lui inven­tant un avenir… de femme de ménage chez Daesh !

Quand on ne peut trop insis­ter sur l’é­mo­tion, on prend une pho­to d’archives bien triste, avec une ani­ma­trice habil­lée en noir. Comme cet arti­cle qui explique les mau­vais résul­tats d’au­di­ence qui ont sapé l’as­sise de Claire Chaz­al. Ou l’on inter­prète ses derniers lap­sus, comme Le Monde expli­quant que la présen­ta­trice a inter­ver­ti « creusés » et « causés » (au sujet des orages dans l’Hérault dimanche midi) parce que « la cause de ce départ creuse un tombeau dont on com­prend que la vic­time sac­ri­fiée ne veuille pas le voir et craigne d’y descen­dre » ! Sa tenue ves­ti­men­taire est encore inter­prétée dans le même arti­cle : une tenue « en demi-deuil » car elle porte un pan­talon noir et une chemise blanche…

On notera que les médias qui pleurent la présen­ta­trice n’ont jamais vrai­ment hésité à réper­cuter ses gaffes et ses ratés, ce qu’ils préfèrent aujour­d’hui pass­er sous silence. Autres oubliés, de taille : les Français. Un sondage affirme qu’ils sont une grande majorité – 60% – à approu­ver la déci­sion de TF1 de tourn­er la page. Et ils étaient nom­breux à le dire dans les com­men­taires des arti­cles, par exem­ple sur le site du Monde : « Faut pas exagér­er, un présen­ta­teur n’est que présen­ta­teur, ce culte de la per­son­nal­ité frise l’indé­cence. Les jour­nal­istes se font une bien haute idée de leur impor­tance. La mod­estie n’é­touffe ni celle dont on par­le ni celui qui en par­le. Allo la presse, ici la terre !!! » Mais depuis quand les médias français tien­nent-ils compte de ce que pensent leurs lecteurs ?

Reste à savoir pourquoi Claire Chaz­al a quit­té son poste sans faire de vagues et sans rechign­er. Comme le révèle le site de L’Obs, cette dis­cré­tion trou­ve son expli­ca­tion dans les pré­cieux con­seils prodigués par Patrick Poivre d’Ar­vor, qui avait con­nu la même mésaven­ture quelques années aupar­a­vant. Après avoir présen­té son dernier jour­nal, la star déchue du JT a retrou­vé, dans la brasserie Le Petit Lute­cia, son ancien com­pagnon PPDA ain­si que leur fils, François, mais aus­si Daniel Auteuil et Marc-Olivi­er Fogiel. C’est à cette occa­sion que Poivre d’Ar­vor l’au­rait aver­ti de la con­duite à adopter. Lui-même éjec­té en 2008, il avait alors lancé une guerre médi­a­tique con­tre la chaîne, ce qui lui avait coûté cher. Une erreur que la présen­ta­trice ne repro­duira pas. Car der­rière son silence et sa mesure, Claire Chaz­al négo­cie dis­crète­ment une jolie prime de départ de 2 mil­lions d’eu­ros. De quoi, en effet, garder ses rancœurs pour soi…

Pho­to : Claire Chaz­al au Haute Cou­ture Print­emps été 2008 à Paris. Crédit : giri­giri via Flickr (cc)