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Closer : attaqué par Philippot, défendu par Mélenchon

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20 décembre 2014

Temps de lecture : 5 minutes
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Closer : attaqué par Philippot, défendu par Mélenchon

Temps de lecture : 5 minutes

La publication en une de Closer de la photo de Florian Philippot avec un homme présenté comme son compagnon n’en finit pas de faire des vagues.

Dans une let­tre ouverte pub­liée sur Rue89, l’homme qui accom­pa­gne Flo­ri­an Philip­pot sur les pho­tos dif­fusées par Clos­er inter­pelle la patronne du mag­a­zine, Lau­rence Pieau.

Présen­té par l’heb­do­madaire comme un « jour­nal­iste de télévi­sion » et mon­tré avec un vis­age légère­ment flouté, celui-ci reproche au jour­nal de l’avoir « util­isé pour illus­tr­er l’ho­mo­sex­u­al­ité de mon­sieur Philip­pot, à grands coups de mains qui se chevauchent par jeu de per­spec­tives », et d’avoir fait de lui, volon­taire­ment, une « vic­time col­latérale ». « Vic­time non pas d’outing, mais d’amalgames que vous ini­tiez », pré­cise-t-il, car « en me présen­tant comme le petit ami du vice-prési­dent du Front nation­al, il appa­rais­sait évi­dent que mes sen­si­bil­ités poli­tiques seraient asso­ciées avec celles de ce par­ti. Ce n’est pas le cas, et vous le saviez. »

« Quant à l’anonymat que vous m’avez offert, pour des raisons, je l’imagine, bien plus juridiques qu’altruistes, il est tout relatif. Et cela découle autant de la qual­ité des flous que de la nature même du corps de méti­er dans lequel j’évolue. Ça encore, vous le saviez », pour­suit-il, se dis­ant aujour­d’hui vic­time de « men­aces de mort ».

Moquant la défense de Lau­rence Pieau sur Europe 1, qui a jus­ti­fié son arti­cle en invo­quant l’é­gal­ité de traite­ment entre les cou­ples homos et hétéros, le jour­nal­iste estime qu’il « était beau de voir une parole mil­i­tante sor­tir de votre bouche, après avoir ébran­lé de façon durable la vie d’un “défenseur des droits des homo­sex­uels”, et ce, en toute con­nais­sance de cause ».

Et celui-ci de con­clure, sèche­ment : « Avant de retourn­er dans l’anonymat auquel j’aspire, j’ai une dernière chose à vous dire. La vie per­son­nelle sta­ble et rangée dont je béné­fi­cie m’est indis­pens­able pour sur­mon­ter une épreuve aus­si lourde. Il vous fau­dra sans doute un sui­cide pour que vous com­pre­niez. Par chance pour vous, ça ne sera pas le mien. »

Quant à Flo­ri­an Philip­pot, il a décidé de pour­suiv­re le mag­a­zine devant les tribunaux.

Le vice-prési­dent du Front Nation­al réclame ain­si 50 000 euros de dom­mages et intérêts, mais ne s’ar­rête pas là. Celui qui a dénon­cé une « atteinte gravis­sime à sa vie privée », réclame aus­si « 5 000 euros au titre des frais de jus­tice, la pub­li­ca­tion du juge­ment en cou­ver­ture, la sup­pres­sion du sujet sur le site closermag.fr, l’in­ter­dic­tion de réex­ploiter les pho­tos ain­si que l’in­jonc­tion de com­mu­ni­quer le con­trat et la fac­ture pour l’achat des pho­tos et la com­mu­ni­ca­tion du tirage et de la dif­fu­sion », note Le Point.

L’au­di­ence se tien­dra, en procé­dure d’ur­gence, au TGI de Paris le 22 décem­bre à 9h30, devant des juges référés. Et si Lau­rence Pieau, la direc­trice de la pub­li­ca­tion du mag­a­zine, se défend de toute malveil­lance en indi­quant ne pas faire de dif­férence entre les cou­ples homo­sex­uels et les cou­ples hétéro­sex­uels, ce ne sera pas la pre­mière (ni la dernière) fois que Clos­er risque une condamnation.

En mars, l’heb­do­madaire a déjà été con­damné à vers­er 10 000 euros à Arnaud Mon­te­bourg pour avoir pub­lié des pho­tos volées de l’an­cien min­istre en com­pag­nie d’Au­rélie Fil­ip­pet­ti, anci­enne min­istre elle-aus­si. En novem­bre encore, Clos­er avait ver­sé 15 000 euros de dom­mages et intérêts à Julie Gayet pour avoir révélé sa liai­son avec le prési­dent de la République, pho­tos à l’appui.

Mal­gré toutes ces polémiques à répéti­tion, Clos­er a pour­tant trou­vé un sou­tien inat­ten­du en la per­son­ne de Jean-Luc Mélen­chon. Le député européen du Front de Gauche a en effet jugé que le mag­a­zine peo­ple était « un espace de lib­erté ». Dans un long entre­tien paru hier dans les colonnes du mag­a­zine, il a expliqué que les médias tra­di­tion­nels étaient « sou­vent le lieu d’un entre soi cru­el et van­i­teux ».

Et d’a­jouter : « Je suis un rebelle. Je ne suis pas une sorte de Manuel Valls en plus âgé. Face à ce robot qui con­stru­it un mur de phras­es toutes faites dans les médias offi­ciels, je dois tout le temps trou­ver des failles dans le mur par lesquelles pass­er le mes­sage. A cet instant, vous êtes pour moi un espace de liberté. »

Ce qui intéresse Mélen­chon chez Clos­er, « c’est le grand nom­bre, qui a des goûts sim­ples, qui ne se prend pas trop au sérieux »… En revanche, inter­rogé sur le fait de savoir si la vie privée des hommes poli­tiques pou­vait dire quelque chose de leur per­son­nal­ité publique, celui-ci a estimé que c’é­tait une « illu­sion ».

« Est-ce que, pour mieux com­pren­dre le méti­er des jour­nal­istes de Clos­er, il faudrait mon­tr­er leur vie privée ? Quelle blague ! », a‑t-il affir­mé. Et de juger qu’il y avait « actuelle­ment ce qu’on appelle la tyran­nie de l’in­tim­ité. Et c’est d’abord une déroute idéologique pour nous, hommes poli­tiques. Vous nous infligez un sup­plice hor­ri­ble : la trans­parence. Tout le monde a besoin d’un jardin secret, de sa part d’om­bre. Alors que per­son­ne ne peut être parfait… »

Jean-Luc Mélen­chon con­clut par une anec­dote : « Autre­fois, je pen­sais que vous étiez juste des inquisi­teurs déplaisants. Et puis, un jour, un copain pho­tographe m’a dit : « Par­fois, ce sont cer­taines célébrités qui nous dis­ent de venir. Ce ne sont pas des pho­tos volées, mais voulues… »

Crédit pho­to : remi­jdn via Flickr (cc)