Ojim.fr
Veille médias
Dossiers
Portraits
Infographies
Vidéos
Faire un don
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Cabinet noir : Valeurs Actuelles de nouveau attaqué

L’article que vous allez lire est gratuit. Mais il a un coût. Un article revient à 50 €, un portrait à 100 €, un dossier à 400 €. Notre indépendance repose sur vos dons. Après déduction fiscale un don de 100 € revient à 34 €. Merci de votre soutien, sans lui nous disparaîtrions.

5 novembre 2013

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Cabinet noir : Valeurs Actuelles de nouveau attaqué

Cabinet noir : Valeurs Actuelles de nouveau attaqué

Temps de lecture : 5 minutes

Valeurs Actuelles met-il le doigt là où ça fait mal ? Depuis sa nouvelle formule, qui a entrainé une forte progression de ses ventes, l’hebdomadaire de droite libérale n’en finit plus d’attirer à lui les attaques des médias comme de la classe politique.

Le cabinet noir de l’Élysée

Après ses Unes choc sur l’immigration et les Roms, qui ont fait un petit scan­dale, Valeurs Actuelles révèle cette semaine l’existence d’un « cab­i­net noir » à l’Élysée. Ce cab­i­net, piloté en sous-marin par la Prési­dence, serait chargé d’alimenter les pour­suites judi­ci­aires con­tre Nico­las Sarkozy en fouil­lant – illé­gale­ment selon VA – les archives de l’ancien prési­dent. Pour appuy­er ses dires, le mag­a­zine dirigé par Yves de Ker­drel pub­lie les déc­la­ra­tions exclu­sives de Bernard Muenkel, ancien chef du ser­vice trans­mis­sions et infor­ma­tique de l’Élysée. Celui-ci explique com­ment il a été mis au plac­ard après avoir refusé de délivr­er illé­gale­ment des infor­ma­tions au com­man­dant mil­i­taire de l’Élysée, Éric Bio-Farina.

Démenti de l’Élysée

Les affir­ma­tions de l’hebdomadaire sont aus­sitôt démen­ties par l’Élysée, qui affirme avoir agi « dans le strict respect du droit » par rap­port à trois réqui­si­tions judi­ci­aires : l’une con­cer­nant l’affaire Tapie, l’autre au sujet de la fusion entre les Caiss­es d’Épargne et la Banque Pop­u­laire ; la dernière demande a été faite par le Con­seil Con­sti­tu­tion­nel à pro­pos des comptes de cam­pagne de Nico­las Sarkozy. « La prési­dence de la République n’a fait qu’exé­cuter les réqui­si­tions adressées par les juges d’in­struc­tion », ajoute le Palais. Une infor­ma­tion vite relayée par les médias, qui n’ont pas hésité à con­tester l’article de VA en ne faisant que repren­dre le démen­ti de l’Élysée.

Les médias reprennent en cœur

C’est Emmanuel Berret­ta, jour­nal­iste au Point, qui a dégainé le pre­mier. Dans son arti­cle, il qual­i­fie les révéla­tions de Valeurs Actuelles de « faux-scoop ». Pour lui, il n’y a aucun scan­dale car « ne pas défér­er à une injonc­tion de la jus­tice est une faute ». Et celui-ci d’ajouter, en pure spécu­la­tion : « Pense-t-on sérieuse­ment que Nico­las Sarkozy est assez bête pour laiss­er, dans ses pro­pres archives infor­ma­tiques — celles qu’il a lui-même con­fiées aux Archives nationales — des traces com­pro­met­tantes de ces agisse­ments supposés ? »

Aus­si, Berret­ta ne voit pas de prob­lème con­cer­nant la divul­ga­tion du « fichi­er des loges », reg­istre des entrées et sor­ties de l’Élysée qui n’aurait pas dû être con­servé. Si la Prési­dence se jus­ti­fie en affir­mant que ces fichiers n’ont jamais été détru­its depuis 1981, leur pos­ses­sion et util­i­sa­tion est bien illé­gale. Pour preuve : Éric Bio-Fari­na lui-même le recon­naît dans un cour­riel interne repris par VA. « Légale­ment, nous ne sommes pas dans la loi, même en ayant fait la déc­la­ra­tion à la CNIL », peut-on y lire.

Le Monde s’est égale­ment chargé de descen­dre l’hebdomadaire en affir­mant que « la jus­tice a légale­ment exigé de l’Élysée des archives de Nico­las Sarkozy ». Et le quo­ti­di­en de rap­pel­er, au sujet du fichi­er des loges, l’ar­ti­cle 99–3 du code de procé­dure pénale qui dis­pose en effet qu’un juge « peut requérir (……) de toute admin­is­tra­tion publique sus­cep­ti­ble de détenir des doc­u­ments intéres­sant l’in­struc­tion, y com­pris ceux issus d’un système infor­ma­tique (……), de lui remet­tre ces doc­u­ments, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’oblig­a­tion au secret pro­fes­sion­nel ». Mais lorsque ces mêmes archives sont cen­sées être détru­ites, est-ce légal de les con­serv­er et de les utilis­er ? Le Monde, comme d’autres, ne se pose même pas la ques­tion, se con­tentant de repren­dre le démen­ti offi­ciel de l’Élysée. Est-ce par ce que le jour­nal du soir a lui-même prof­ité de ces fichiers lors de l’affaire Tapie ?

Arrêt sur Images revient aux faits

Seul Arrêt sur images a fait le tra­vail. Dans un arti­cle pub­lié le jour de la paru­tion de l’hebdomadaire, le site de Daniel Schnei­der­mann rap­pelle quelques sujets occultés par les autres médias : un disque dur qui n’a pas été remis aux archives, tout comme le fichi­er des loges, ou encore le blocage par Bio-Fari­na des car­tons d’archives de Claude Guéant, ex secré­taire général de la Prési­dence de la République puis min­istre de l’Intérieur. Des infor­ma­tions qui n’ont pas l’air d’intéresser Le Point. Pourquoi ? L’hebdomadaire avait pub­lié en exclu­siv­ité, en juin dernier, un cour­riel interne qui « com­pro­met Claude Guéant ». Un cour­riel qui, selon VA, serait mys­térieuse­ment sor­ti des car­tons de Claude Guéant au prof­it du Point

Mal­gré son tra­vail plus appro­fon­di, Arrêt sur Images garde ses dis­tances. Si le site accuse les autres médias d’avoir pris l’information de Valeurs Actuelles « avec des pincettes », celui-ci n’a pas man­qué de l’évoquer en se bouchant le nez (« heb­do­madaire anti-Rom » par-ci, « ultra-droite » par-là…).

VA victime de son succès ?

Au regard de cet acharne­ment médi­a­tique à l’égard de Valeurs Actuelles, il est intéres­sant de se deman­der si l’hebdomadaire ne ferait pas des jaloux. Si cer­tains, comme Le Monde ou Medi­a­part, s’opposent à lui par pur con­flit idéologique, d’autres comme Le Point auraient tout intérêt à frein­er ce dan­gereux con­cur­rent. D’où, peut-être, l’article dén­i­grant d’Emmanuel Berret­ta – qui s’est ensuite livré à une joute ver­bale avec Yves de Ker­drel sur Twit­ter. Con­tac­té par l’Ojim, le jour­nal­iste qui a rédigé le dossier sur le « cab­i­net noir » main­tient ses affir­ma­tions et nous informe de la paru­tion prochaine d’un nou­v­el arti­cle sur le sujet.

Si cet exem­ple le démon­tre, les réac­tions que provo­quent cha­cune des paru­tions de l’hebdomadaire sont égale­ment un indi­ca­teur plutôt par­lant. Les ventes en kiosque ont en effet aug­men­té de 37 % et les abon­nements de 8 % au début de l’année – par rap­port à la même péri­ode l’année précé­dente. De quoi cham­bouler le paysage de la presse papi­er… En s’attaquant ain­si frontale­ment à la prési­dence social­iste et aux sujets qui préoc­cu­pent le pays réel, Valeurs Actuelles sem­ble sur la voie du suc­cès. Un chemin qui ne sera pas sans embuches…

Voir aussi : Yves de Kerdrel, portrait